La révision du Plan local d’urbanisme (PLU) de la capitale, qui devrait être validée à l’occasion de la séance du conseil de Paris de juin 2023, laisse entrevoir une limitation des abus des multipropriétaires dans certains des quartiers les plus exposés.
Dans une ville qui a perdu en moyenne plus de 12 000 habitantes et habitants par an entre 2014 et 2020, et où la part des dépenses des ménages affectées au logement demeure toujours aussi honteusement élevée, la municipalité envisage aujourd’hui de nouvelles pistes pour limiter la transformation d’appartements en locations touristiques par les “investisseurs” immobiliers. Dans certains arrondissements, la part des appartements concernés par les annonces de location de meublés touristiques sur les plateformes comme Airbnb ou Abritel représentait un pourcentage à deux chiffres avant la crise liée au covid-19. En 2019, la mairie estimait à 20 000 le nombre de multi-propriétaires utilisant la plateforme à Paris.
Face à la sempiternelle crise du logement qui frappe la capitale, plusieurs avancées ont été mises en place ces dernières années afin de limiter les abus liés aux modèles économiques de ces propriétaires, qui consistent bien souvent simplement à acquérir des appartements voire des immeubles entiers pour y remplacer les locataires résidents par des touristes en séjours éphémères, plus rémunérateurs, avec pour seule finalité d’augmenter leurs rendements financiers. Ainsi, les multipropriétaires parisiens ne peuvent désormais plus louer une résidence secondaire sans la déclarer comme “local commercial », et ont également l’obligation de recréer une surface équivalente dédiée à un usage locatif. Dans certaines zones prioritaires, cette compensation peut même représenter le double voire le triple de la surface devenue commerciale.
Le Marais et les abords du canal Saint-Martin probablement concernés par ces nouvelles limitations
Après un accord âprement négocié entre les différents groupes composant la majorité au conseil de Paris (socialistes, écologistes, et communistes), les créations de nouvelles locations touristiques pourraient bientôt être “interdites” dans les quartiers de la capitale les plus exposés au “surtourisme”. D’après les premières annonces de l’exécutif parisien, les secteurs concernés devraient notamment inclure Paris Centre, dont le Marais, mais aussi les abords du canal Saint-Martin, des Grands Boulevards, ou encore la butte Montmartre. Des zones en partie vidées de leurs résidents permanents au profit de visiteurs occasionnels, phénomène qui transforme également la vie de quartier avec la disparition des commerces de proximité au profit d’une offre largement tournée vers la consommation touristique.
Dans les “orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables” du PLU présentées en 2021, la maire (PS) de Paris Anne Hidalgo s’engageait ainsi “à lutter contre la généralisation des locations saisonnières, qui soustrait un nombre conséquent de logements aux Parisiennes et aux Parisiens”. D’après la municipalité, le nombre de 43 000 meublés touristiques officiellement recensés aujourd’hui resterait sous-estimé. Les nouvelles limitations prévues dans le cadre de la révision du PLU parisien concerneraient uniquement les “professionnels” de la location saisonnière, et non pas “les Parisiens qui louent dans le cadre des 120 jours autorisés” leur logement principal. Les détails du texte, de même que sa formulation exacte, n’ont pas encore été communiqués.
Tarifs exorbitants à prévoir à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024
D’après les informations de France Bleu, aucune restriction supplémentaire n’est cependant envisagée à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Alors que les tarifs hôteliers, qui ont déjà retrouvé voire dépassé les niveaux observés avant la crise touristique liée au covid, devraient alors atteindre de nouveaux records, il ne fait guère de doute que multipropriétaires comme utilisateurs occasionnels des plateformes de location ne manqueront pas de profiter eux aussi de l’événement prévu en juillet-août 2024 pour engranger des profits sans précédent. “Ce sera évidemment plus cher, et c’est normal”, a ainsi jugé le premier adjoint (PS) à la maire de Paris Emmanuel Grégoire, la municipalité “ne prévo[yant] pas de renforcer les contrôles sur les locations pendant cette période”, selon France Bleu.
Des déclarations malheureusement peu surprenantes, qui laissent plus encore se dessiner une grande fête des riches en lieu et place des célébrations populaires initialement promises. Aux billets hors de prix pour les plus modestes, au “recrutement” de 45 000 personnels bénévoles sans compensations ni défraiements (à mettre en parallèle avec les rémunérations très confortables des membres du Comité d’organisation), s’ajouteront ainsi des tarifs touristiques absolument inabordables pour les amatrices et amateurs de sport au budget limité qui auraient souhaité visiter la capitale à l’occasion des Jeux. Triste constat, et cynique récompense pour les tenants d’une stratégie de rapacité immobilière sans scrupules qui contribue encore largement à vider la capitale de ses habitantes et habitants.
À lire également :
• Place de la Réunion (20e) : Une agence immobilière condamnée pour une location Airbnb illégale
• Encadrement des loyers : 31% des annonces restent non conformes à Paris
• Face à Bercy, les associations engagées pour le logement dénoncent les manquements de l’État
• Spéculation immobilière : Le quartier Sainte-Marthe (10e) toujours en attente de solutions
• La Cour de cassation valide les mesures de Paris contre les abus d’Airbnb
• Logement : le drame parisien des résidences secondaires
Cet article vous a été utile ? N’hésitez pas à lire notre appel à solidarité et à nous soutenir pour permettre à Paris Lights Up de rester accessible au plus grand nombre !
Photographie : Quartier Sainte-Marthe, Paris 10e – 2021
© Paris Lights Up
One thought on “Locations touristiques : Une révision du Plan local d’urbanisme parisien pensée pour freiner la rapacité des multipropriétaires”