Une hausse annuelle de +16% du nombre de personnes à la rue observée à Paris lors de la Nuit de la Solidarité 2024

3 492 personnes à la rue ont été rencontrées par les bénévoles de la Nuit de la Solidarité, organisée le 26 janvier dernier. Dans le même temps, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a révélé que « près d’un logement sur cinq (19%) [était] inoccupé » dans la capitale, « soit 262 000 logements ».

Depuis la première édition de la Nuit de la Solidarité en 2018, la situation demeure toujours aussi catastrophique concernant le nombre de personnes contraintes à survivre à la rue à travers la capitale. Près de 3 500 sans-abri ont ainsi été recensés par les équipes bénévoles qui ont parcouru l’ensemble des arrondissements parisiens le mois dernier : l’un des pires bilans annuels de cette « opération de décompte des personnes sans-abri visant à mieux connaître leurs profils et à faire évoluer les politiques publiques en fonction de leurs besoins ». Ils étaient 3 015 l’an dernier, avec une hausse qui atteignait (déjà) +16% par rapport à 2022.

Si l’on peut applaudir la mise en place puis la pérennisation de cet instrument de mesure de la grande précarité, suivant un modèle désormais répliqué dans une dizaine de communes de la métropole du Grand Paris et plusieurs grandes villes du pays, force est de constater que les réponses apportées par les pouvoirs publics ont rarement paru aussi insuffisantes pour faire face à la crise actuelle. D’autant plus que cette dégradation pourrait bien s’accélérer : 70 ans après l’appel de l’Abbé Pierre, la nomination au ministère du Logement de Guillaume Kasbarian, inspirateur de la sinistre « loi anti-squat » et déjà assimilé à un « ministre des propriétaires », apparaît comme une nouvelle violence infligée aux 4,1 millions de mal-logés que compte aujourd’hui la France parmi lesquels « 330 000 personnes sans domicile, qu’elles vivent en hébergement généraliste, en CADA, à l’hôtel, en abri de fortune ou à la rue ».

Une explosion du nombre de personnes à la rue à Paris Centre et dans le 12e arrondissement

Le nord-est de la capitale continue à souffrir de manière disproportionnée de la grande exclusion. Lors de la Nuit de la Solidarité 2024, les arrondissements comptant le plus grand nombre de personnes à la rue rencontrées étaient le secteur Paris Centre (659 personnes), le 12e (457 personnes auxquelles on peut ajouter 129 personnes au bois de Vincennes), le 19e (380 personnes), le 10e (242 personnes), le 18e (229 personnes), et le 20e (202 personnes). Aux côtés des rues, trottoir, et tunnels (75% du total), les gares et stations opérés par la RATP (160 personnes y ayant trouvé refuge), celles opérées par la SNCF (202 personnes), et les “campements de familles, talus du périphérique ou parcs et jardins” (282 personnes) figuraient parmi les principaux lieux concernés.

 

 

Dans certains arrondissements parisiens, on constate une véritable explosion du nombre de personnes à la rue. La hausse atteint ainsi +71% dans le secteur Paris Centre, qui regroupe depuis 2020 les quatre premiers arrondissements, par rapport à la précédente Nuit de la Solidarité. Hors bois de Vincennes, elle s’élève à +67% dans le 12e. D’après la municipalité, on comptait dans le même temps au 31 décembre 2023 « à Paris et dans la petite couronne 47 416 places (généraliste et du dispositif national d’accueil) financées par l’État, dont 29 010 à destination du public parisien et 18 406 du public des trois départements de la petite couronne. En plus de ces places, la nuit du 25 au 26 janvier 2024, 29 069 personnes étaient hébergées à l’hôtel dans le Grand Paris, dont 7 129 personnes dans Paris et 21 940 hors de Paris ».

Seuls 81% des logements occupés toute l’année à Paris, contre 89% en Île-de-France

Signe du paradoxe et de la brutalité que représente la persistance du “sans-abrisme”, un récent rapport de l’Apur soulignait que près de 262 000 logements de la capitale étaient considérés comme « inoccupés » en fin d’année 2020. Seuls 81% des logements étaient alors “occupés toute l’année par des ménages dont c’est la résidence principale” : en effet, 10% étaient des « résidences secondaires ou logements occasionnels » (134 000 logements), et 9% considérés comme des « logements vacants » (128 000 logements). Ce taux d’occupation des logements « est sensiblement plus faible que dans la Métropole du Grand Paris (88 %) ou en Île-de-France (89 %) », rappelle l’Apur.

 

 

« Depuis une dizaine d’années, on observe une augmentation de ces logements inoccupés à Paris : leur part passe de 14 % en 2011 à 19 % en 2020, malgré une fiscalité censée être plus dissuasive. Chaque logement inoccupé en plus constitue une résidence principale en moins, c’est-à-dire un logement non utilisé pour y habiter à l’année », précise l’Apur. « Reste à voir si le nombre de logements inoccupés va atteindre un plateau, continuer d’augmenter sous l’effet de logiques de patrimonialisation, ou diminuer sous l’impulsion des politiques publiques ». Dans certains quartiers, le vide atteint des proportions catastrophiques : ainsi, dans le secteur Paris Centre, environ 28% des logements peuvent aujourd’hui être considérés comme inoccupés.

Au total, ce sont 262 000 logements parisiens (environ un sur cinq) qui n’ont donc pas réellement d’occupants : près de 75 pour chacune des 3 492 personnes à la rue recensées le mois dernier à Paris lors de la Nuit de la Solidarité 2024. Un parallèle frappant pour souligner l’inaction criminelle des pouvoirs publics, et de responsables politiques qui préfèrent comme souvent les discours et autres promesses aux actions concrètes – lutter efficacement contre la rapacité et le parasitisme immobilier toujours croissants des multi-propriétaires, réquisitionner les logements vides, assurer aux Parisiennes et aux Parisiens les moyens de vivre dans leur ville, et faire en sorte d’enfin réaliser ce vœu trop de fois prononcé : que personne n’ait à survivre ou à mourir dans la rue en 2024.

 

 

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Tentes sur un trottoir du secteur Paris Centre
© Paris Lights Up

 

 

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