Des associations accompagnent “150 à 250” jeunes réfugiés dans cette “occupation pacifique” d’une école délabrée et vide depuis plusieurs années, appelant à “mettre fin à leur errance et à l’insécurité de leur survie à la rue”.
Après plusieurs mobilisations similaires dans l’est parisien, ou plus récemment sous les fenêtres du Louvre, c’est dans le cossu quartier d’Auteuil (16e arrondissement) que se sont installés pour un temps des dizaines de jeunes contraints à la rue depuis des mois. Derrière les banderoles installées sur les grilles de l’ancienne école Erlanger dans le cadre de cette nouvelle action d’occupation, les associations Les Midis du MIE, Timmy – Soutien aux Mineurs Exilés, et Utopia 56 unissent leurs forces depuis mardi soir pour convertir en refuge temporaire le site dépourvu d’eau et d’électricité, qui connut déjà une première occupation de ce type en 2021 autour du collectif Réquisitions.
Dans la continuité des campements éphémères de ces dernières années à Bastille, à l’Hôtel de ville, au jardin Villemin, au gymnase Japy, ou à République, l’objectif est de mettre en lumière une “crise humanitaire [qui] rencontre le silence des autorités” en la rendant plus visible. Demandant avant tout un “hébergement digne”, ces jeunes arrivés en France après de périlleux exils se mobilisent aux côtés d’associations pour en finir avec l’errance et la rue, conséquences pour la plupart d’une non reconnaissance de minorité officielle, qui les prive d’accès au logement ou à l’éducation.
Des mois sans aucune solution d’hébergement
“Depuis plus de trois mois, des centaines d’adolescents étrangers et isolés errent dans les rues parisiennes, confrontés au froid, à la faim, au harcèlement policier et à la destruction de leurs biens matériels”, rappellent dans un communiqué commun les associations et collectifs soutenant cette nouvelle occupation. “Pour la première fois depuis plusieurs années, il est impossible pour nos associations de rassembler ces jeunes autour d’un même lieu, car à peine installés, ils sont immédiatement délogés par les effectifs de police, sans qu’aucune autre solution ne leur soit proposée.”
Documentée par les associations de soutien aux réfugiés comme par la presse, cette stratégie d’évacuations policières répétées, notamment visible dans le nord-est parisien, frappe aujourd’hui des centaines de personnes déjà privées de solutions de logement dignes et durables. Les occupants de l’école Erlanger s’adressent aujourd’hui à l’État et aux collectivités pour demander, si ce n’est au moins une mise à l’abri, “un accompagnement pluridisciplinaire, adapté à leurs situations individuelles et dans des hébergements stables en Île-de-France”.
Les associations estiment rencontrer “près de 10 nouveaux jeunes à la rue chaque jour”
“En décembre dernier, lors de la précédente action d’occupation devant le conseil d’État, 292 mineurs en recours avaient pu être mis à l’abri à l’issue de cinq jours de mobilisation par des températures négatives, et après des mois à la rue”, expliquent les soutiens des jeunes réfugiés, pour la plupart originaire de pays d’Afrique de l’ouest. “Seulement un mois après cette dernière mise à l’abri, sur les 155 jeunes qui avaient été orientés vers un gymnase à Ivry-sur-Seine, au moins 25 avaient déjà pu être reconnus mineurs et orientés vers l’Aide sociale à l’enfance (ASE) selon France Terre d’Asile, les autres étant toujours dans l’attente d’une décision du juge des enfants.”
Estimant rencontrer “près de 10 nouveaux jeunes à la rue chaque jour, alors qu’ils et elles devraient être sur les bancs de l’école ou en formation professionnelle”, les associations déplorent “l’abandon des pouvoirs publics”, jugeant que “tous perdent un temps précieux dans leur parcours d’intégration et risquent une dégradation de leur état de santé physique et mentale. Malgré nos demandes répétées, la préfecture d’Île-de-France ainsi que la secrétaire d’État à la protection de l’enfance, Madame Charlotte Caubel, refusent continuellement la mise en place d’un espace d’échange et de concertation avec les acteurs de terrain, afin de mettre en place des solutions pérennes et constructives.”
“La situation risque de durer encore plusieurs jours”
D’après les chiffres de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), cités dans un rapport d’information du Sénat de septembre 2021, “23 461 mineurs non accompagnés étaient […] pris en charge par les conseils départementaux au 31 décembre 2020”. En 2019, sur 37 212 “évaluations de minorité réalisées”, le nombre de jeunes considérés mineurs par les services de l’État était de 12 237. “Parmi les jeunes accompagnés par Utopia 56 à Paris, environ 65% d’entre eux ont finalement été reconnu.es mineur.es en 2021 après avoir déjà passé plusieurs mois à la rue”, indiquait l’association l’été dernier lors de l’installation d’un campement temporaire sur la place de la Bastille.
Trois jours après le début de cette nouvelle action, les associations redoutent d’être bientôt à court d’eau et de nourriture pour poursuivre l’accompagnement des éphémères occupants du site. “Malgré toute notre mobilisation et nos échanges avec la mairie de Paris, la situation risque de durer encore plusieurs jours et à la veille d’un week-end prolongé, même en interassos, nos ressources sont limitées”, indiquait jeudi l’équipe des Midis du MIE, qui organise habituellement des distributions alimentaires et autres solidaires au pied du parc de Belleville (20e arrondissement). Le collectif s’adresse aujourd’hui aux “personnes pouvant assurer des présences sur place, journée, soirée, nuit”, indiquant également être ouvert à tout soutien matériel, en particulier en eau et en nourriture.
Des centaines de jeunes “livrés à eux-mêmes” en région parisienne
“De nombreux mineurs étrangers parviennent seuls sur le territoire français : parce qu’ils ont perdu leurs parents sur les routes de la migration, parce que ceux-ci sont morts, ou parce qu’ils ont été contraints de quitter seuls leur pays. Arrivés à Paris, après un parcours extrêmement éprouvant, ils sont livrés à eux-mêmes”, déplorait l’association l’an dernier. “Conformément à sa mission et au droit international, l’ASE doit les prendre en charge. Dans les faits, 70 % des mineurs qui s’y présentent sont remis à la rue sans aucun soutien, totalement démunis, perdus.”
“Les associations Médecins Sans Frontières (MSF), Médecins du Monde et la Croix-Rouge ont alerté à plusieurs reprises l’Agence régionale de santé quant à la détresse psychique et physique des jeunes, faisant état d’une situation alarmante. Les pathologies identifiées sont la conséquence directe de la vie à la rue, de la précarité, et des mauvaises conditions d’hygiène“, indiquaient encore récemment les associations qui accompagnent ces réfugiés. “À chaque refus prononcé par les départements quant à leur minorité, ces jeunes sont remis à la rue. Tous pourtant ont entamé une procédure de recours devant le juge des enfants“, précisaient Utopia 56 et MSF en décembre dernier, ajoutant avoir adressé “une liste de près de 500 jeunes en situation d’errance” à la préfecture d’Île-de-France.
Photographie : Ancienne école Erlanger, au carrefour de la rue d’Erlanger et du boulevard Exelmans – Paris 16e.
© Paris Lights Up
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