Après la mobilisation victorieuse de Droit au Logement en mai dernier, “une soixantaine de jeunes isolés” accompagnés par l’association Utopia 56 occupe depuis un mois le parvis de la place de la Bastille pour demander une prise en charge et un hébergement adaptés.
“Nous sommes Mamadou, Majid, Bakary, et d’autres camarades qui ont fui leur pays pour tenter de trouver refuge et grandir ici, en France. Ici, nous vivons à la rue. Nous avons 15, 16, ou 17 ans, mais les autorités ne nous ont pas cru.es, ou n’ont pas voulu nous croire, et déclaré.es comme majeur.es”, expliquent les occupants du campement de la Bastille dans une pétition lancée le 28 mai dernier, lors de leur installation.
“Aujourd’hui, nous avons intenté un recours auprès du juge des enfants pour que notre minorité soit enfin reconnue et faire valoir nos droits. Ceux de pouvoir grandir dans un environnement sain, d’être soignés, et évidemment d’étudier”, poursuivent les jeunes accompagnés par Utopia 56. “En attendant, nous sommes à la rue depuis des semaines, des mois, et nous survivons dans des parcs, sous des ponts, dans des gares. Régulièrement la police vient nous chasser, nous réveiller, nous sommes fatigué.es de nous cacher. Nous voulons être vus et considérés !”
“Association de mobilisation citoyenne qui vient en aide aux personnes exilées et en détresse”, Utopia 56 et ses antennes franciliennes soutiennent depuis plus de cinq ans les femmes, les hommes, et les enfants à la rue, dont le nombre reste toujours aussi préoccupant aux portes de la capitale et dans les communes environnantes, notamment en Seine-Saint-Denis. “Parmi les jeunes accompagnés par Utopia 56 à Paris, environ 65% d’entre eux ont finalement été reconnu.es mineur.es en 2021 après avoir déjà passé plusieurs mois à la rue. En 2021, au sein de nos huit antennes en France, les équipes d’Utopia 56 ont accompagné plus de 500 jeunes”, précise l’association dans un communiqué publié lors du lancement de cette nouvelle action.
Les responsables d’Utopia 56, aux côtés des jeunes occupants du campement, pointent les insuffisances chroniques de la prise en charge et des solutions d’hébergement proposées par les pouvoirs publics. Ils dénoncent également “la solitude et le harcèlement policier auxquels ils font face”, illustrés par “la politique anti-campement initiée par le préfet de police Didier Lallement, [qui] pousse chaque soir ces jeunes à l’errance, en quête d’un espace où ils pourront installer leur tente sans être délogés”.
Dans leur pétition, les occupants du campement de la Bastille listent leurs principales revendications. À l’échelle de la région-capitale, concernée en premier lieu, ils demandent aux côtés des associations “un engagement immédiat sur la création de structures d’accueil et d’accompagnement adaptées à la situation des jeunes présents place de la Bastille et sur les différents campements d’Île-de-France”. En accord avec les observations des associations engagées sur le terrain, ils appellent également à “la reconnaissance et le respect de la présomption de minorité, de l’intérêt supérieur de l’enfant, et du droit au recours effectif”.
Les initiateurs de la pétition, qui rassemble aujourd’hui plus de 2 000 signataires, estiment que “la prise en charge des mineurs non-accompagnés (MNA) par la protection de l’enfance [doit] être maintenue le temps qu’une décision judiciaire définitive intervienne”. D’après les chiffres de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), cités dans un rapport d’information du Sénat de septembre 2021, “23 461 mineurs non accompagnés étaient […] pris en charge par les conseils départementaux au 31 décembre 2020”. En 2019, sur 37 212 “évaluations de minorité réalisées”, le nombre de jeunes considérés mineurs par les services de l’État était de 12 237.
Autre revendication, “le respect du droit des mineur-e-s à bénéficier d’une prise en charge globale et adaptée leur permettant d’accéder à l’ensemble de leurs droits fondamentaux – accompagnement socio-éducatif, financier, juridique, accès à la scolarité, aux soins de santé physique et mentale”. D’après les équipes d’Utopia 56, qui rappellent que “la place d’un jeune n’est pas sous une tente”, l’action de la place de la Bastille est aujourd’hui prévue pour “une durée illimitée”.
Interpellant la nouvelle secrétaire d’État chargée de l’enfance auprès de la Première ministre, Charlotte Caubel, elles regrettent aujourd’hui que “l’État refuse tout dialogue et ne cesse de bafouer son devoir de protection”. Dans le cadre d’une mobilisation similaire, récemment organisée sur cette même place de la Bastille par Droit au Logement, il avait fallu près de deux mois et demi avant d’obtenir des pouvoirs publics le relogement et l’hébergement des familles mal-logées accompagnées par l’association.
– Pétition – “Mineur·e·s isolé·e·s à Paris : En finir avec la rue” –
Photographie d’illustration : Action d’occupation de la place de la Bastille, Paris.
© Utopia 56
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