Occupant une école parisienne désaffectée aux côtés d’associations depuis deux mois et demi, des centaines de réfugiés ont installé des tentes sur la place du Palais Royal ce mardi soir, avant d’en être violemment évacués par la police.
Contraints à la rue, pour beaucoup en raison d’une non reconnaissance de leur minorité par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), les jeunes exilés et leurs soutiens ont déployé leurs tentes face au Conseil d’État pour demander des réponses de l’administration, et à plus court terme une amélioration de leurs conditions de vie avec la proposition de solutions d’hébergement.
Des agents de police se sont rapidement rendus sur place. Deux heures plus tard, malgré la chaîne humaine de bénévoles qui visait à protéger les manifestants, ils sont intervenus “avec violence” pour expulser les occupants du campement, selon l’association de mobilisation citoyenne aux côtés des personnes exilées Utopia 56, qui relate les faits sur Twitter.
De jeunes évacués contraints de passer la nuit dans un square, sans équipements ni solutions
Après avoir utilisé du gaz lacrymogène pour évacuer les lieux, les forces de police auraient ainsi interpellé au moins “une vingtaine de jeunes”. Il a fallu attendre 1h du matin pour voir les derniers manifestants quitter la place. Escorté en direction de Bastille, un dernier groupe a été nassé avant d’être relâché. Certains réfugiés ont passé la nuit allongés sur le sol d’un parc, sans équipements ni solutions, ont relaté des témoins restés sur place.
Organisée par Utopia 56, l’action visait à mettre en lumière les conditions de vie des centaines de jeunes isolés sans solution de logement vivant dans l’école désaffectée de la rue Erlanger (16e arrondissement) aux côtés d’autres associations, comme Les Midis du MIE et Timmy – Soutien aux Mineurs Exilés. En décembre dernier, un campement similaire avait déjà été installé sur cette même place du Palais Royal afin d’alerter sur le sort de centaines de personnes à la rue, “survivant sous les ponts” du périphérique entre la capitale et Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Ses occupants avaient alors passé plusieurs nuits sur place, malgré des températures particulièrement basses.
“Une crise humanitaire [qui] rencontre le silence des autorités”
Dans la continuité des campements éphémères de ces dernières années à Bastille, à l’Hôtel de ville, au jardin Villemin, au gymnase Japy, ou à République, l’objectif est de mettre en lumière une “crise humanitaire [qui] rencontre le silence des autorités” en la rendant plus visible. Demandant avant tout un “hébergement digne”, ces jeunes arrivés en France après de périlleux exils se mobilisent aux côtés d’associations pour en finir avec l’errance et la rue, conséquences pour la plupart d’une non reconnaissance de minorité officielle, qui les prive d’accès au logement ou à l’éducation.
“De nombreux mineurs étrangers parviennent seuls sur le territoire français : parce qu’ils ont perdu leurs parents sur les routes de la migration, parce que ceux-ci sont morts, ou parce qu’ils ont été contraints de quitter seuls leur pays. Arrivés à Paris, après un parcours extrêmement éprouvant, ils sont livrés à eux-mêmes”, déploraient les équipes de l’association Utopia 56 l’an dernier. “Conformément à sa mission et au droit international, l’ASE doit les prendre en charge. Dans les faits, 70 % des mineurs qui s’y présentent sont remis à la rue sans aucun soutien, totalement démunis, perdus.”
La date du 20 juin correspondait à la Journée mondiale des réfugiés
“Les associations Médecins Sans Frontières (MSF), Médecins du Monde et la Croix-Rouge ont alerté à plusieurs reprises l’Agence régionale de santé (ARS) quant à la détresse psychique et physique des jeunes, faisant état d’une situation alarmante. Les pathologies identifiées sont la conséquence directe de la vie à la rue, de la précarité, et des mauvaises conditions d’hygiène“, indiquaient récemment les associations qui accompagnent ces réfugiés de l’ancienne école Erlanger. “Mardi 13 juin dernier, le directeur de l’ARS s’est rendu sur place, et a alerté la préfecture d’Île-de-France sur la nécessité d’une mise à l’abri immédiate, car au vu des conditions sanitaires et globales, aucun suivi médical efficace et à la mesure des problèmes rencontrés ne peut être effectué sur place”, ont-elles précisé cette semaine.
“À chaque refus prononcé par les départements quant à leur minorité, ces jeunes sont remis à la rue. Tous pourtant ont entamé une procédure de recours devant le juge des enfants“, précisaient Utopia 56 et MSF en décembre dernier, ajoutant avoir adressé au printemps “une liste de près de 500 jeunes en situation d’errance” à la préfecture d’Île-de-France. Alors que la date de ce mardi 20 juin correspondait à la Journée mondiale des réfugiés, les associations accompagnant les centaines d’occupants de l’école parisienne à l’abandon, qui souhaitaient “ouvrir un dialogue avec l’État jusque-là inexistant”, ont dénoncé un “déversement de violences par la préfecture de police”.
Textes : Jérémy Torres & S. T.
Photographie : Campement de la place du Palais Royal, Paris – 5 décembre 2022
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