La Villette : La darse du Rouvray bientôt transformée en « réserve de biodiversité »

Le conseil d’arrondissement du 19e a adopté un « projet d’aménagement » de la darse du Rouvray, visant à transformer le site en « réserve de biodiversité ». Depuis 2020, des associations de défense de l’environnement et des animaux appellent à la « sanctuarisation » de ce canal de la Villette.

Mises en lumière par le regain de biodiversité lié aux confinements successifs de ces dernières années, les rives de la darse du Rouvray pourraient bientôt afficher un visage encore plus verdoyant. La délibération votée lors de la séance du conseil d’arrondissement de juin comprend le transfert d’une partie du canal, « propriété de l’État, au profit de la ville » : un changement qui pourrait faire du site la première « réserve » naturelle de la capitale. Alors que la pêche y est déjà interdite depuis un an, la transformation de la darse devrait notamment permettre de limiter drastiquement la présence humaine sur le site, au profit de la tranquillité des animaux à plumes, à poils, et à écailles.

L’an dernier, le maire (PS) du 19e François Dagnaud avait jugé que la « sanctuarisation » de la darse était « plus qu’envisageable » sous la mandature actuelle. Il avait rappelé « la nécessité d’associer à ce travail les associations et tous les usagers de cette darse », estimant que « ce serait un beau signal envoyé pour une ville qui doit aujourd’hui se construire en laissant davantage de place à la nature en ville ». S’ils ont soulevé quelques inquiétudes, les travaux lancés en 2021 sur le site voisin de la cité administrative de la Villette ont vraisemblablement accéléré la conclusion d’un accord entre les services de l’État et de la mairie pour le transfert de la propriété du canal.

En 2020, dix associations avaient interpellé la maire de Paris pour appeler à la protection de ses berges discrètes et à l’écart des foules, en demandant « l’interdiction de l’accès au grand public », « un soutien aux habitats des animaux », « la limitation au maximum de la pollution », et « la prise en considération de la condition animale comme critère fondamental dans les prises de décision concernant ce lieu ». Cette lettre commune avait été adressée à l’exécutif parisien à l’initiative de Paris Animaux Zoopolis (PAZ), association qui a également organisé plusieurs rassemblements sur place afin de sensibiliser les riveraines et les riverains quant à l’avenir de la darse et des nombreux animaux qui y trouvent refuge.

 

 

Si de nombreux points restent à préciser, l’association se félicite de la décision du conseil d’arrondissement, « une délibération qui fait un pas de plus vers la réalisation de notre projet de sanctuarisation ». « PAZ se bat depuis 2020 pour la sanctuarisation de la darse du Rouvray dans l’intérêt des animaux liminaires qui y vivent », a encore réagi l’association, qui désigne par ce terme « tous les animaux qui vivent en liberté dans l’espace urbain », et dont l’habitat a été « profondément modifié par l’urbanisation et notre mode de vie ». Le site abrite déjà une soixantaine d’espèces animales et végétales.

« Selon un inventaire réalisé par la ville de Paris en 2020, suite à notre demande de sanctuarisation, 27 espèces animales, dont neuf espèces d’oiseaux protégées au niveau national, et 29 espèces végétales, ont été observées à la darse du Rouvray. Chaque année, des naissances y ont lieu », précise ainsi Amandine Sanvisens, co-fondatrice de PAZ. « Nous suivrons de près la réalisation », promet aujourd’hui l’association, avant de remercier les principaux élus parisiens responsables du dossier, notamment le maire du 19e François Dagnaud, et l’adjoint (Paris en Commun) à la maire de Paris chargé de la biodiversité et de la condition animale, Christophe Najdovski.

« La ville de Paris va prendre possession du fond de la darse du Rouvray, jusqu’ici propriété de l’État. Ce site servira à la réalisation d’un sanctuaire pour la biodiversité », a confirmé ce dernier suite à la décision du conseil du 19e arrondissement. Il y a un an, il précisait déjà certains contours de l’accord négocié entre l’établissement public de la Villette et la ville, et quelques-unes de ses conséquences pour le canal. « Le public sera mis à distance pour contrôler la pression anthropique sur le site, et la végétation du quai sera conservée », avait-il assuré, évoquant par ailleurs « un travail de labellisation en lien avec les associations environnementales ».

Point de blocage initial, le partage du site entre l’État et la ville devrait être bientôt clarifié. « La halle qui est en déshérence va être cédée à l’Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette [EPPGHV], et la ville, en contrepartie, récupérera le fond de la darse du Rouvray », a précisé Roger Madec, conseiller de Paris (Paris en Commun) responsable de l’aménagement urbain, de la biodiversité, et de la condition animale auprès du maire d’arrondissement. « Il faut aller vite, puisqu’il y a un budget fléché par l’État pour pouvoir réaménager la halle. Ouverte sur le parc, elle servira de centre-ressources autour de la biodiversité. »

Dans son intervention en mairie d’arrondissement, Roger Madec a par ailleurs esquissé un calendrier du projet d’aménagement qui doit encore être validé par le conseil de Paris, dont la prochaine séance est prévue du 5 au 8 juillet prochain. « Au courant du printemps 2023, la ville récupérera la totalité de la darse pour y faire une réserve naturelle et de biodiversité. Et je rassure tout le monde, il n’y aura pas d’arrachages de végétaux ni d’arbres sauvages, puisque la berge sera consolidée par l’intérieur, par la voie d’eau, avec de l’enrochement naturel », a promis l’élu du 19e arrondissement. D’après Christophe Najdovski, les travaux devraient être terminés et la transformation de la darse effective dès la fin de l’année prochaine.

Les aménagements concerneront surtout les espaces relevant de l’Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette [EPPGHV], nous a précisé ce dernier. « La darse en elle-même, l’idée est de la laisser telle qu’elle est. Les changements envisageables concernent les travaux de confortement d’un mur » qui menace aujourd’hui de s’effondrer, explique l’adjoint à la maire de Paris, qui souhaite conserver le reste du site en l’état, « comme une aire préservée, une aire de biodiversité ».

L’exécutif avait cependant choisi de ne pas retenir le terme exact de « sanctuarisation » pour définir le futur de la darse. Christophe Najdovski expliquait l’an dernier que l’équipe municipale n’était « pas favorable à un principe de sanctuarisation totale et systématique, qui consisterait à interdire d’accès des zones entières de Paris aux riverains ». Regrettant alors cette décision, PAZ avait appelé à la vigilance sur plusieurs points, comme l’abandon de l’accès initialement envisagé depuis la rue Adolphe Mille, très proche des quais, le maintien de la végétation existante, et la mise en place d’une clôture ou barrière adéquate entre les zones accessibles au public et les espaces ayant vocation à être préservés dans l’intérêt des animaux.

Interrogé par notre rédaction, l’adjoint d’Anne Hidalgo évoque aujourd’hui plusieurs options, comme « des haies qui peuvent former un aménagement paysager, faire une séparation visuelle, tout en étant favorables à la biodiversité. L’objectif est de mettre à distance la darse des bâtiments et de cette partie du parc, qui sera d’ailleurs ouverte au public ». Cette « séparation » n’interdira toutefois pas tout dialogue avec l’EPPGHV voisin, notamment avec son projet de centre-ressources dédié aux questions environnementales. Ce dernier pourrait-il offrir un panorama sur les berges de la darse voisine ? Christophe Najdovski jugerait en tout cas pertinentes « des animations pédagogiques, notamment à destination des plus jeunes, pourquoi pas avec des vues, un poste d’observation des oiseaux ».

Les élus parisiens assurent cependant que les aménagements prévus ne viendront pas troubler la tranquillité des canards, poissons, cygnes, et autres foulques qui peuplent le canal. « L’échange a pour but de mettre cet endroit en sécurité. Nous voulons définitivement le protéger », a ainsi jugé Andréas Pilartz, conseiller d’arrondissement écologiste et adjoint au maire chargé de la nature en ville et des canaux. « Ce transfert, qui sera vraiment effectif dans six mois, passé le délai de préemption qu’a la région [Île-de-France], garantit désormais que le parc de la Villette n’ouvrira pas son parc sur la darse, avec les effets délétères qu’une fréquentation intense de visiteurs aurait causé à la tranquillité du lieu ».

« Les habitants, les riverains, les associations, les écologistes et les élus se sont suffisamment mobilisés pour réclamer la sanctuarisation de cet endroit, et des animaux qui le fréquentent. La mairie va maintenant finalement pouvoir assurer l’interdiction complète de la pêche sur la darse, qui était impossible avant, et mettre en œuvre la sanctuarisation en obtenant rapidement une certification LPO [Ligue de protection des oiseaux], voire mieux », a ajouté Andréas Pilartz en conseil d’arrondissement. « Le projet sur le parc nous semble aussi totalement satisfaisant, parce qu’il amène une nouvelle perspective, avec cette éducation à l’environnement qui est essentielle si l’on veut permettre aux citoyens de demain d’être toujours plus éclairés sur les sujets de préservation de l’environnement, de la biodiversité », a par ailleurs estimé le conseiller d’arrondissement et représentant du groupe communiste Hadrien Bortot.

La délibération portant sur ce projet a été adoptée à l’unanimité le 22 juin dernier en conseil du 19e arrondissement. D’après le calendrier évoqué, la darse du Rouvray pourrait donc devenir dès l’an prochain le premier site parisien dont l’aménagement est principalement motivé par des enjeux liés à la condition animale. Si ces nouvelles annonces semblent prometteuses pour les partisans d’une sanctuarisation, les associations engagées sur place comptent rester attentives à la mise en œuvre du projet, particulièrement en ce qui concerne les espèces déjà présentes. L’association PAZ promet ainsi de « continuer à veiller sur ce lieu unique à Paris, car paisible pour les animaux ».

 

 

Darse du fond de Rouvray
75019 Paris

 

 

Photographie d’illustration : Darse du Rouvray, Paris 19° – Avril 2021.
© Paris Lights Up

 

 

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