À l’approche du scrutin du 30 mai et 6 juin, Paris Lights Up donne la parole aux cinq candidates et candidats qui auront l’opportunité de représenter la quinzième circonscription de la capitale à l’Assemblée nationale. On inaugure cette série d’entretiens-portraits avec Thomas Roger, infirmier trentenaire soutenu par le Parti communiste.
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Paris Lights Up : Si vous êtes élu député dans le cadre de cette élection législative partielle et que vous deviez choisir trois priorités pour votre mandat, quelles seraient-elles ?
Thomas Roger : Je suis infirmier en gériatrie et j’ai été en première ligne face à la pandémie, comme des centaines de milliers de soignants. Nous avons subi de plein fouet les conséquences des attaques essuyées depuis des années par notre système de santé public. Pour répondre à l’urgence sanitaire, il faut extraire notre système de santé des logiques marchandes qui l’ont rendu bien moins efficace et accessible depuis 20 ans. Sans citer l’ensemble de nos propositions sur la santé et la prévention, il s’agira d’abroger la tarification à l’acte, revenir notamment sur la réforme HPST de 2009 qui a fermé des dizaines milliers de lits dans notre pays, construire des centres de santé municipaux qui pourront garantir un meilleur suivi et une meilleure accessibilité, ou encore créer un pôle public du médicament qui régira la politique pharmaceutique française et mettra fin à l’irresponsabilité flagrante des laboratoires à but lucratif. Selon un sondage Opinionway – Les Echos, 59 % de la population française a déjà renoncé à se faire soigner. Il faut donc un service public de la santé préventif, gratuit, efficace et de proximité. Il s’agit d’un combat à mener et la pandémie actuelle n’a fait que révéler un peu plus les carences en matière de santé et de prévention.
La seconde urgence est sociale. Là encore, la pandémie n’a fait que révéler et accélérer la politique de casse sociale menée par les gouvernements successifs. Le libéralisme, devenu dogme absolu, n’a de cesse de restreindre nos droits fondamentaux tel que l’emploi, le logement, le loisir ou notre simple dignité. Nous répondons avec des propositions fortes pour ne plus détruire, mais améliorer la vie de la population. Il s’agira d’instaurer un revenu étudiant à hauteur du SMIC, ouvrir le RSA aux moins de 25 ans, redéployer largement l’inspection du travail, supprimer les contrats précaires en faisant du CDI la norme, baisser les factures de gaz et d’électricité grâce à l’encadrement des prix et à un monopole public de l’énergie, ou encore instaurer la TVA à 0% sur les produits de premières nécessité. Pour nous, c’est l’humain et la planète d’abord.
La troisième urgence est écologique. La terre brûle, et nous ne pouvons pas accepter ce présent et ce futur sombres. Nous sommes donc conscients que la lutte écologiste se joue ici et maintenant. Avec un investissement de 50 milliards par an, nous proposons de lutter efficacement en engageant la rénovation énergétique de tous les logements à hauteur de 20 milliards par an, l’instauration des transports en commun gratuits, l’abrogation de la réforme du fret, et la normalisation de ce dernier pour le transport des marchandises face au tout camion, l’investissement massif dans l’agriculture de circuit court et sans pesticides. Nous sommes bien conscients que là encore, l’ambition de notre projet pour la planète doit être à la hauteur, tant les extinctions animales et le réchauffement climatique se sont accélérés. Je me répète : pour nous, c’est l’humain et la planète d’abord.
Le 20ème arrondissement concentre aujourd’hui bien des difficultés : taux de contamination au covid-19 parmi les plus élevés de la capitale, nombre de personnes sans abri toujours aussi révoltant, problèmes liés au mal-logement et à la hausse des prix de l’immobilier… Malgré tout, la participation locale aux dernières élections a été particulièrement faible. Comment faire en sorte que les citoyennes et les citoyens croient en la capacité de la politique en vue de changer leur quotidien ?
L’abstention grandissante est inquiétante, et nous risquons de connaitre un taux très élevé les 4 et 11 avril.
Force est de constater qu’un grand nombre de promesses faites par nos élu.e.s semblent être restées en suspend. En parallèle, la vie quotidienne de la population ne cesse de se dégrader, en particulier du fait de la hausse du coût du logement. L’abstention massive qui en résulte semble donc quasiment naturelle. Nous sommes de celleux qui ne laisserons pas le logement ou le coût de la vie entre les mains des spéculateurs. Les élus, et par leur biais les citoyens, doivent pouvoir décider de la manière dont il faut rendre la vie meilleure. Nous pouvons imposer la réquisition des logements vides (environ 9 000 dans le 20ème) et les rendre ainsi disponibles. Nous pouvons augmenter massivement le financement du logement social pour améliorer la vie des habitants. Les choix politiques peuvent changer la vie. L’avenir démocratique de notre pays se joue majoritairement dans ses choix politiques et économiques ; rien n’est figé ou de l’ordre de la fatalité. Si l’ensemble de nos droits fondamentaux sont soumis aux lois du marché, alors l’abstention ne cessera de croître, laissant place à l’extrême droite. Si, au contraire, des élus se battent et gagnent pour pouvoir imposer le bien commun de l’écrasante majorité face à une minorité, alors la démocratie trouvera un second souffle. J’en ferai parti.
Le choix de ma candidature est un engagement et une proposition démocratique du PCF dans le 20ème. Je n’ai jamais exercé de mandat et je suis pleinement connecté avec le réel, de par mon métier de soignant. C’est ce genre d’initiatives, et les convictions de réappropriation de la vie démocratique que je porte, qui peuvent redonner sens aux échéances électorales.
Face au duel Macron-Le Pen qui semble de nouveau se profiler à l’horizon, un nombre grandissant de militantes et de militants progressistes en appellent aujourd’hui à une véritable union pour 2022. Or les échéances à venir, en premier lieu les régionales, ne semblent guère porteuses d’espoir de ce point de vue. Quelles seraient les conditions pour que les formations de gauche mettent leurs désaccords de côté et s’entendent sur la formation d’un nouveau Front populaire ?
C’est effectivement très inquiétant, le piège voudrait bien encore se refermer.
De nombreuses forces à gauche, le PS, Les Verts, la France Insoumise, se voudraient hégémoniques et pensent pouvoir rassembler suffisamment autour d’eux pour être au deuxième tour.
Or, on l’a vu aux élections précédentes, personne ne pourra faire cavalier seul. Les conditions nécessaires à une alliance doivent d’abord porter sur le contenu des propositions et du programme, mais aussi sur le respect des différentes composantes qui se rassembleraient. Dans le cas où chaque parti présenterait un candidat, nous pourrions en présenter un aussi. Les communistes décideront de leur stratégie par un vote interne au mois de juin.
L’élection présidentielle n’est pas l’alpha et l’oméga de la vie politique. Nous voulons construire une Sixième République dans laquelle l’Assemblée nationale jouerait un grand rôle, ce qui permettrait un plus grand pluralisme politique, de réels contre-pouvoirs, et une meilleure représentation des français·e·s. Nous souhaitons d’ailleurs que la proportionnelle soit instaurée.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos liens, votre rapport personnel, avec le 20ème arrondissement ?
Je suis un enfant du 20ème. J’ai grandi dans le quartier Saint-Blaise, puis à Porte de Bagnolet. J’y ai suivi ma scolarité primaire et secondaire dans des établissements publics. Mes attaches y sont donc énormes tant sur le plan amical que familial. Au-delà de ces quelques mots personnels, le 20ème est l’endroit dans lequel j’ai construit mon engament politique. La grève des travailleurs sans papiers de 2009 et notamment l’occupation de Multipro à Ménilmontant, la lutte contre la fermeture du Centre IVG de Tenon, les manifestations devant le rectorat contre les fermetures de classes et la baisse de la dotation horaire globale (DHG), le bar Le Saint Sauveur, les tracts sur les marchés de la Réunion, Belgrand ou Davout. Voilà pêle-mêle des moments et des endroits qui ont forgé mon lien avec ce territoire et sa population. Le 20ème, pour moi, c’est la solidarité et la capacité de lutter pour la dignité.
Quelles sont les adresses ou initiatives locales qui vous inspirent ?
Un de mes endroits préférés du 20ème est la fresque en hommage au groupe FTP MOI de Missak Manouchian. Pour moi, ce mur illumine l’arrondissement par la mémoire des ces résistants immigrés fusillés par les nazis et morts pour la France. Leur histoire représente les valeurs de notre 20ème.
Je voudrais également saluer la Flèche d’Or, autrefois gare, puis salle de concert, et maintenant espace militant où l’on organise la solidarité – c’est par exemple un lieu de collecte et de redistribution de produits de première nécessité. Les habitants du 20ème peuvent en être fiers.
Une fois que nos vies seront revenues à la normale, nous pourrons de nouveau organiser le bal populaire des communistes du 20ème à l’occasion du 14 juillet. Chaque année, des centaines de personnes viennent y danser place Henri Malberg. Nous sommes heureux de faire vivre pendant une nuit nos valeurs d’amitié.
Le 20ème ne doit pas se dénaturer. C’est un quartier populaire, vivant et solidaire ; et je salue toutes les personnes qui en sont les animateur·ices.
Infirmier de profession, vous faites aujourd’hui vos débuts en politique. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager ?
Je n’ai pas le sentiment d’être à mes débuts en politique, ils datent en fait d’une dizaine d’années. Cela dit, cette candidature est une expérience nouvelle que je prends avec beaucoup de sérieux et de détermination. Je suis convaincu que le monde politique ne doit pas être déconnecté du réel, de la vraie vie des gens. C’est donc en tant qu’infirmier que je me présente, et nous comptons bien imposer ce lien qui devrait être naturel entre la vie démocratique de notre pays et le monde du travail.
D’un point de vue plus personnel, j’ai fait face aux vagues 1 et 2 du covid dans mon service de gériatrie. Depuis des années, la logique libérale qui impose des politiques d’austérité à l’hôpital transforme la santé en une marchandise. Ça ne peut plus durer. Tout le monde a pu voir quelles en sont les conséquences. On ne fait pas d’économie sur la santé. Ce n’est ni humain, ni efficace. Je sais ce que des milliers de soignants, de patients et de familles ont vécu. Je peux également vous dire que nous avons dû endosser énormément de responsabilités pour faire face à la pandémie. Je suis prêt à porter la voix des soignants à l’Assemblée.
Parmi toutes et tous les candidates et candidats, pourquoi seriez-vous le meilleur représentant de la 15ème circonscription de Paris ?
C’est peut être votre question la plus difficile…
Je suis un enfant du 20ème, j’en connais les joies, les qualités, mais aussi les difficultés. Je ne suis pas un professionnel de la politique et ce qui m’intéresse, c’est l’humain. Cela devrait être la première qualité d’une personne qui veut s’impliquer en politique. Agir contre les injustices pour changer les choses dans le bon sens. Ce qui m’intéresse – et c’est comme cela que je vois mon engagement – c’est que les habitants du 20ème soient acteurs de la transformation sociale et de l’amélioration du quotidien. J’ai des convictions personnelles, mais quand la population s’implique ça change tout, et je veux tout faire pour ça ! J’ai posé des congés sans solde pour faire campagne car je suis un salarié et je veux porter au plus haut la voix de celleux qui se lèvent tôt pour aller au travail ou pour en chercher.
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NDLR : Nous avons respecté le mode d’expression des candidates et des candidats, notamment leur choix d’utiliser une écriture inclusive dans le cadre de propos recueillis par écrit.
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À l’approche de cette élection législative partielle des 30 mai et 6 juin, notre rédaction interroge toutes les personnalités candidates dans une série d’entretiens-portraits :
– François-Marie Didier, conseiller de Paris de l’opposition, élu du 20ème, et directeur développement territorial dans une grande entreprise du secteur de l’énergie, candidat avec le soutien des partis LR et Libres.
– Lamia El Aaraje, conseillère de Paris de la majorité, élue du 20ème, et docteure en pharmacie, candidate avec le soutien du Parti socialiste et du Parti radical de gauche.
– Sarah Gardent, agente de Pôle emploi, candidate avec le soutien du Parti ouvrier indépendant démocratique.
– Antoinette Guhl, conseillère de Paris de la majorité, élue du 20ème, et directrice d’une structure dédiée au recyclage et au réemploi, candidate avec le soutien des partis EELV et Génération·s.
– Danielle Simonnet, conseillère de Paris de l’opposition, élue du 20ème, et psychologue de l’Éducation nationale, candidate avec le soutien de la France insoumise.
– Thomas Roger, infirmier en service de gériatrie, candidat avec le soutien du Parti communiste.
Les partis de la majorité présidentielle LREM-MoDem ne présentent pas de candidate ou de candidat dans le cadre de cette élection.
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Les résidentes et résidents de la 15ème circonscription de Paris qui ne le seraient pas encore peuvent s’inscrire sur les listes électorales jusqu’au vendredi 23 avril pour participer à cette législative partielle.
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