Après six éditions hivernales, une version réduite de la Nuit de la Solidarité aura lieu ce mardi 27 juin afin de recenser les personnes sans-abri dans les 8e, 12e, et 20e arrondissements. Des équipes réunissant au total près de 500 bénévoles seront mobilisées.
Organisée depuis 2018 par la municipalité, suivant un modèle désormais répliqué dans une dizaine de communes de la métropole du Grand Paris et plusieurs grandes villes du pays, la Nuit de la Solidarité consiste en “une opération de décompte des personnes sans-abri visant à mieux connaître leurs profils et à faire évoluer les politiques publiques en fonction de leurs besoins”. Pour la première fois, une réplique de ce dispositif à une échelle réduite permettra ce mardi de mieux connaître les problématiques spécifiques des personnes à la rue en été, notamment avec les températures particulièrement élevées observées récemment.
La situation des personnes sans-abri “est un sujet davantage relayé et médiatisé en hiver, quand le grand froid met en lumière les conditions difficiles des personnes qui dorment à la rue. Pour autant, les conditions de vie restent difficiles à n’importe quelle période de l’année, les chiffres montrent d’ailleurs que la mortalité des personnes sans-abri varie peu d’un mois à l’autre”, indiquent les équipes de la ville de Paris chargées de cette première expérimentation estivale. D’après le collectif Les Morts de la Rue, qui organisait le 13 juin dernier une marche en mémoire des centaines de victimes du sans-abrisme recensées en 2022, la mortalité à la rue suit des tendances saisonnières similaires à celle observée chez la “population générale”, l’idée d’un pic saisonnier hivernal spécifique n’étant donc pas confirmée dans les faits.

Une hausse de +16% de personnes à la rue observée entre les éditions 2022 et 2023 de la Nuit de la Solidarité
“L’opération qui se déroulera sur trois arrondissements cette année (8e, 12e et 20e) vise à faire émerger les besoins spécifiques liés à l’été. Chaleur, accès à l’eau, baisse de l’aide alimentaire, impact de la vie nocturne estivale sur l’occupation de l’espace public…”, expliquent les équipes de la municipalité. Plus de 500 Franciliennes et Franciliens se sont portés volontaires pour échanger avec les personnes à la rue ce mardi, sur la base de questionnaires anonymes et suivant un découpage géographique par quartier. Lors de la sixième édition de la Nuit de Solidarité, organisée le 26 janvier dernier, les participantes et participants étaient au total près de 2 000, encadrés par 400 professionnels de l’action sociale, pour une enquête portant sur l’ensemble du territoire parisien.
Avec un total de “3 015 personnes sans solution d’hébergement rencontrées à Paris”, une hausse du nombre de personnes à la rue de +16% avait alors été constatée par rapport à l’édition précédente du 20 janvier 2022 (417 personnes supplémentaires). Le nord-est de la capitale continue à souffrir de manière disproportionnée de la grande exclusion. Lors de la Nuit de la Solidarité 2023, les arrondissements comptant le plus grand nombre de personnes à la rue rencontrées étaient le 12e (438 personnes dont 164 au bois de Vincennes), le 19e (400 personnes), le secteur Paris Centre (386 personnes), le 13e (234 personnes), le 18e (228 personnes), et le 10e (213 personnes). Aux côtés des rues, trottoir, et tunnels (70% du total), les gares et stations opérés par la RATP (195 personnes y ayant trouvé refuge), celles opérées par la SNCF (128 personnes), et les “campements, talus du périphérique, parcs et jardins” (268 personnes) figuraient parmi les principaux lieux concernés.

L’Île-de-France représentait 41% des décès de personnes sans domicile recensés à travers le pays en 2021
Comme le rappelle l’Atelier parisien d’urbanisme, la démarche “permet d’établir une “photographie” à un instant donné du nombre de personnes sans-abri sur un territoire. Ce décompte des personnes vues constitue un minima.” Publié en octobre 2022, le dernier rapport annuel du collectif Les Morts de la Rue, par ailleurs basé dans le 19e arrondissement de la capitale, rappelait à quel point la région Île-de-France est meurtrie par ce fléau. D’après ses données, le territoire concentrait à lui seul 41% des décès de personnes sans domicile en 2021, contre une proportion d’environ 13,5% des disparitions dans la population générale. Paris détient un triste record départemental, avec près de 27% de tous les décès liés au sans-abrisme recensés en France sur l’ensemble de la période 2012-2018.
Signe du paradoxe et de la brutalité que représente la persistance, voire la dégradation de cette situation, des chiffres publiés par l’Apur estimaient à plus de 18 600 le nombre de logements “durablement vacants” à Paris en fin d’année 2020. Dans la capitale, seuls 80% des logements étaient alors “occupés toute l’année par des ménages dont c’est la résidence principale” : en effet, 9% étaient des résidences secondaires, et 11% considérés comme vacants. Selon d’autres données, celles de l’Insee, la région Île-de-France compterait autour de 400 000 logements vides, dont près de 117 000 dans la seule capitale : environ une quarantaine pour chacune des 3 015 personnes à la rue recensées en janvier dernier à Paris lors de la Nuit de la Solidarité 2023.
Cet article vous a été utile ? N’hésitez pas à lire notre appel à solidarité et à nous soutenir pour permettre à Paris Lights Up de rester accessible au plus grand nombre !
Illustration : Pont de Bercy, Paris
© Paris Lights Up