En Seine-Saint-Denis, la maternité des Lilas pourrait fermer ses portes dès le mois de novembre

Établissement pionnier des droits des femmes depuis 1964, la maternité des Lilas a accompagné près de 1 100 naissances l’an dernier, tout en proposant d’ambitieux programmes dédiés à la contraception et aux interruptions volontaires de grossesse. L’adresse risque pourtant de fermer ses portes en novembre prochain.

Maternité de niveau 1 (ne pouvant accueillir les grossesses à risques) à taille humaine, l’établissement de Seine-Saint-Denis est menacé depuis plus d’une dizaine d’années, notamment en raison du vieillissement de ses infrastructures et équipements, mais aussi en raison de sa situation financière. En 2012, déjà, une importante mobilisation citoyenne et des interventions politiques avaient permis la signature de partenariats censés garantir le déménagement du site, ainsi que l’obtention d’une “aide à l’investissement de six millions d’euros” dans le cadre du plan Hôpital.

Avec un risque de fermeture déjà considéré comme imminent l’an dernier, et l’abandon d’un projet de reprise par le groupe de cliniques privées Almaviva Santé qui opère l’adresse voisine Floréal (Bagnolet), les équipes de l’établissement « spécialiste des accouchements sans douleur » viennent d’obtenir un accord avec l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France pour maintenir le site ouvert jusqu’en novembre 2023, grâce à un éphémère renouvellement de ses autorisations d’activité. L’échéance avait initialement été fixée à juin 2023, après une nouvelle mobilisation d’ampleur l’an dernier.

Une pétition de soutien réunit plus de 70 000 signatures

Lancée au printemps 2022, une pétition de soutien au personnel de la maternité, appelant à “faire perdurer ce lieu unique en France”, a réuni à ce jour plus de 70 000 signatures. “C’est le libre choix qui préside dans ce lieu : celui de donner naissance, ou non, et comme on le souhaite, éventuellement de façon physiologique et non médicalisée. La part faite aux sages-femmes, qui tiennent le projet à bout de bras depuis des décennies, est une des spécificités de l’établissement aujourd’hui menacé”, rappelait également cette pétition. Comme cela était redouté par son personnel comme par ses patientes et patients, le maintien des activités de la maternité de 17 chambres et 4 salles de naissance restait bien en sursis.

D’après les informations de L’Humanité, le 3 mai dernier, « un médecin de l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap) annonçait aux chefs de service de l’établissement qu’il était missionné par l’ARS Île-de-France pour “piloter le processus d’arrêt d’activité ‘naissance’ à la maternité des Lilas”. Disposant d’un statut d’association à but non-lucratif, l’adresse couvre 9 de ses 13 millions d’euros de budget à travers les séjours et actes médicaux pris en charge par l’assurance maladie, le reste de cette somme étant subventionné à travers l’ARS. « Nous ne chercherons jamais la rentabilité mais la situation n’est pas soutenable », a estimé la semaine dernière le directeur adjoint de la structure Raynald Maisonneuve auprès de France 3 Paris – Île-de-France, avant de promettre une « diversification » en proposant « de la chirurgie obstétricale et gynécologique, mais aussi une prise en charge autour de l’endométriose, car il y a un manque sur le département ».

L’ARS souhaite « approfondir le rapprochement avec la maternité de l’hôpital public de Montreuil « 

Ces lacunes ne sont pas limitées aux soins obstétriques, la Seine-Saint-Denis pouvant aujourd’hui être considérée comme un « désert médical » : en 2022, 92,8% des habitantes et habitants y vivaient ainsi en zones d’intervention prioritaires (ZIP), les moins dotées en médecin généralistes. Ce taux est de 62,4% en Île-de-France, et de 29,8% à Paris. Le 13 juin dernier, c’est la maternité de Vauban de Livry-Gargan qui avait dû fermer ses portes en raison de conditions de prise en charge insatisfaisantes, susceptibles de mettre en danger la vie des mères et des nouveaux nés. Un établissement avec lequel un rapprochement de l’adresse des Lilas fut un temps évoqué, avant d’être abandonné en septembre dernier.

L’horizon paraît aujourd’hui bien sombre pour le maintien des activités de la maternité et la continuité de sa démarche féministe. En avril dernier, un reportage de Mediapart a par ailleurs révélé le dépôt d’une plainte en décembre 2020 contre un ancien chef de service des anesthésistes de l’établissement, après des accusations de harcèlement moral et sexuel portées par 23 sages-femmes. Une syndicaliste de la maternité avait estimé que les doutes pesant sur l’avenir du site avaient été un frein pour la dénonciation des agissements du médecin, qui a depuis quitté les Lilas. Après une réunion organisée en janvier 2023, c’est un rapprochement avec la maternité voisine de Montreuil qui semble aujourd’hui avoir les faveurs de l’ARS. Une opération qui risquerait de compromettre le fonctionnement actuel de l’adresse lilasienne, qui a toujours assuré vouloir se distinguer en privilégiant l’attention portée aux patientes plutôt que la rentabilité des actes pratiqués.

Les soutiens de la maternité demandent à l’ARS et au ministère « un nouveau lieu adapté, avec un budget suffisant”

Les équipes soignantes redoutent notamment une augmentation des rythmes et charges de travail, reposant sur des effectifs insuffisants, situation peu à même de permettre à l’établissement de maintenir sa philosophie d’adaptation de son offre de soins aux demandes spécifiques des patientes. “Ce n’est pas la première fois qu’il risque de fermer : bâtiment non adapté, difficultés financières, pressions de l’ARS pour se conformer aux objectifs de rentabilité, abandon politique, difficultés internes aux équipes sont autant de défis auxquels ces dernières font face pour les patients », poursuivaient les signataires de l’appel de 2022, jugeant que « les objectifs et engagements des repreneurs potentiels ne sont pas clairs quant au maintien de l’activité de maternité et son statut associatif à but non lucratif, soutenu par le secteur public”.

L’établissement des Lilas a accompagné près de 1 100 naissances et permis à 600 femmes d’avorter l’an dernier. Son fonctionnement féministe privilégiant le rôle des sages-femmes se double d’une approche locale : selon la ville des Lilas“les femmes lilasiennes y sont accueillies en priorité”. Pour les nombreuses personnes mobilisées contre sa fermeture, “si la maternité devait se conformer à des objectifs de rentabilité ou même disparaître, ou, ce serait des milliers de patient·e·s dans le 93, département avec des enjeux médicaux et sociaux particulièrement lourds, sans solution pour accoucher, être suivi·e·s, et avorter librement”. Se félicitant de la “philosophie de bienveillance et de confiance” qui caractérise depuis un demi-siècle la maternité, les signataires de la pétition appellent “l’ARS et le ministère de la Santé à se saisir du dossier, renouveler les habilitations, et sauver cet établissement”, en lui permettant de se moderniser “dans un nouveau lieu adapté, avec un budget suffisant”.

 

 

Maternité des Lilas
12-14 rue du Coq Français, 93260 Les Lilas
www.maternite-des-lilas.com

 

 

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Photographie © Paris Lights Up

 

 

One thought on “En Seine-Saint-Denis, la maternité des Lilas pourrait fermer ses portes dès le mois de novembre”

  1. Signez la pétition, l’une des meilleurs Maternités d Île de France! Qui aime et respecte les femmes dans leur choix de naissance 🌻

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