À l’occasion d’une conférence de presse, le premier adjoint (PS) à la maire de Paris a dévoilé ce mardi de nouvelles orientations et mesures “relatives à la valorisation du mobilier urbain parisien et à la gestion de l’espace public”.
Dans le cadre du “manifeste de la nouvelle esthétique parisienne” élaboré depuis l’an dernier par la municipalité, et face à la persistance des critiques autour de l’évolution du paysage urbain, Emmanuel Grégoire a précisé ce mardi les priorités de l’exécutif pour 2022 et le reste de la mandature actuelle. Ces décisions complètent les “mesures immédiates” annoncées l’été dernier – réduction du nombre de panneaux de signalisation, et retrait des équipements de mobilier les plus unanimement décriés.
Pour le premier adjoint, responsable de l’urbanisme et de l’architecture au sein de l’équipe d’Anne Hidalgo, cette nouvelle doctrine est avant tout guidée par “une nécessaire adaptation de la ville au phénomène du changement climatique”. Élaboré en lien avec les cabinets de Jacques Baudrier, adjoint (PCF) en charge des travaux publics, David Belliard, adjoint (EELV) aux mobilités et à la voirie, Colombe Brossel, adjointe (PS) à la propreté, Christophe Najdovski (Paris en Commun), adjoint aux espaces verts, et Karen Taïeb, adjointe (PS) au patrimoine, ce “travail de réalignement” ambitionne de conduire à une “libération de l’espace public, d’abord pour les piétons. La mobilité prioritaire à Paris, c’est la marche”, a estimé Emmanuel Grégoire.
Selon lui, le “référentiel d’actions exhaustif” du manifeste permettra de guider “toute intervention dans l’espace public”. Il sera composé de plusieurs documents relatifs “à l’aménagement de la voirie, à la végétalisation, au mobilier urbain, et aux nouveaux usages”. Le dernier, relatif aux “bâtiments et paysages”, a vocation à être publié “en lien avec la révision du Plan local d’urbanisme au cours de l’année 2022”. Si “le temps des arbitrages n’est pas venu”, ce guide pourrait évoquer la relance du “concours des façades de la ville de Paris” votée par l’assemblée parisienne en 2017.
Vantant “une ville vivante plutôt qu’une ville musée ou une image d’Épinal”, le premier adjoint a néanmoins rappelé l’attachement particulier des Parisiennes et des Parisiens “au mobilier urbain hérité de la fin du XIXe siècle”, des bancs Davioud (installés à partir des années 1860) aux édicules Guimard (1900 à 1913), en passant par les fontaines Wallace – la première d’entre elles fut installée sur le boulevard de la Villette en 1872, il y a tout juste un siècle et demi. L’ensemble des équipements présents sur la voirie seront par ailleurs répertoriés dans le cadre du manifeste : un travail qui fera l’objet de publications spécifiques orchestrées par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur).
La “nouvelle doctrine” de la municipalité est également l’occasion de revenir sur les expériences de végétalisation menées ces dernières années dans la capitale. Emmanuel Grégoire a ainsi évoqué l’importance de généraliser les opérations de “débitumisation”, un souhait qui peut sembler contre-intuitif à l’heure de la Tour Triangle et du “mur d’Austerlitz », projets qui divisent aujourd’hui la majorité parisienne. Reconnaissant l’échec d’une grande partie des “pieds d’arbres végétalisés”, il a par ailleurs annoncé une reprise en main des voies et trottoirs concernés avec deux alternatives possibles : la pose (ou le retour) de la grille classique, ou la création de plantations linéaires en pleine terre à l’initiative des services municipaux.
D’après le premier adjoint, le manifeste ambitionne aussi d’aborder des enjeux qui n’étaient pas ou peu détaillés dans les précédents “guides d’actions” municipaux relatifs à l’espace public : c’est le cas de “la question du bruit, de la question du genre”, ou encore de celle des animaux liminaires avec qui les Parisiennes et les Parisiens partagent la ville. De même, la question des pistes cyclables sera détaillée avec pour objectif “d’harmoniser leur mise en place”. Selon Emmanuel Grégoire, l’utilisation du vélo à Paris a connu un bond de “+47% entre 2019 et 2020, et de +22% entre 2020 et 2021”.
Au-delà de préciser “de nouvelles règles pour les travaux, les appels d’offres, et les contrats de concession”, avec “un travail sur les cahiers des charges des marchés publics” comportant notamment “des impératifs d’entretien et de pérennité”, le changement de cap de la majorité sera renforcé à travers plusieurs enveloppes budgétaires :
– 100 millions d’euros pour “Préserver et mettre en valeur le mobilier historique” : suppression des “mobiliers inutiles” ou contestés, “retrait des panneaux redondants et obsolètes”, recensement, renouvellement, et mise à jour des équipements de voirie.
– 133,5 millions d’euros pour “Pérenniser les coronapistes et l’urbanisme tactique”, avec pour objectifs de pérenniser “35 kilomètres de pistes temporaires en 2022”, “l’amélioration des dispositifs avec la suppression de tous les marquages jaunes”, et la mise en place de balises noires et glissières “plus discrètes” pour les pistes temporaires.
– 12,3 millions d’euros pour “Végétaliser et habiller les pieds d’arbre” : choix entre installation de grilles ou “végétalisation en bande pour relier les arbres entre eux”, généralisation des “pavages enherbés” en tant que solutions provisoires.
– 9 millions d’euros pour “Entretenir le mobilier électrique et lumineux” : lancement “d’un audit et d’un plan d’action” relatif aux feux tricolores ayant vocation à être “finalisé en mars 2022”, “remplacement de 350 mâts d’éclairage public” dégradés ou inesthétiques, utilisation de “dispositifs plus discrets” pour les réparations d’équipements de voirie.
– 6,8 millions d’euros pour “Lutter contre les incivilités” : actions et mesures contre l’affichage sauvage (“1 600 factures aux entreprises qui salissent pour un montant de 970 000 euros [en 2021], soit multiplié par trois en deux ans”), renforcement des moyens alloués aux dépôts sauvages, “doublement du budget de dégraffitage”, et “identification et le ciblage des multirécidivistes” en lien avec les services de Laure Beccuau, procureure de la République de Paris qui a pris ses fonctions en octobre 2021.
Pour conclure sa présentation, Emmanuel Grégoire a cependant précisé qu’il n’y aurait “pas de grand soir”, indiquant que ces nouvelles orientations s’appliqueraient de manière progressive et “pas du jour au lendemain”. Plusieurs journalistes ont interrogé le premier adjoint sur les interpellations liées au hashtag #SaccageParis, qui concernent en premier lieu la propreté de la ville et la dégradation de ses mobiliers et équipements. L’élu du 12e arrondissement a d’abord jugé “qu’il existe toujours des polémiques dès qu’il s’agit de la transformation de Paris”.
S’il a reconnu que ce mouvement demeure “désagréable” pour la majorité (“s’ils pouvaient prendre des vacances…”), le bras-droit d’Anne Hidalgo a aussi estimé qu’il avait “pu être utile” pour définir certaines priorités : en témoignent le souhait de tourner la page des “fosses à cochons” que sont devenus de nombreux pieds d’arbre, l’accélération de la lutte contre l’affichage sauvage avec la mise en accusation des marques et entreprises coupables (un “Top 10 » composé de Universal Music, Urban Act, Sony, Anolis, Amazon, Warner Music, Com’unique, Maje, Ko Leur, et Digital 111), ou encore l’abandon des équipements inesthétiques et dégradés comme “les bancs mikado ou les assises champignons”.
Clin d’œil aux opposants à la gestion de l’équipe municipale, le banc Davioud racheté par ces derniers puis offert à la ville de Paris en mai dernier sera installé rue du Temple (4e arrondissement), avec une date d’inauguration prévue “en juin 2022”. Conscient de l’attachement du public aux mobiliers hérités de la fin du 19e siècle, le premier adjoint promet “qu’il ne sera pas touché à une seule fontaine Wallace”.
S’il faudra du temps pour juger de leur application, les annonces du premier adjoint laissent espérer une meilleure considération de l’esthétique de la capitale et de ses quartiers, et donc de la qualité de vie des Parisiennes et des Parisiens. Il faut cependant souligner que certains dossiers majeurs semblent manquer à l’appel, à commencer par le sujet des nouvelles tours de bureaux et des grands travaux, plus contestés que jamais à l’heure de la sobriété environnementale et du télétravail.
La question de l’omniprésence de la publicité et des pollutions visuelles qu’elle engendre pourrait également être posée, venant à la fois des acteurs privés et publics. Alors que des villes comme Grenoble ou dans une moindre mesure Lyon ont fait le choix de limiter drastiquement le nombre de panneaux publicitaires sous contrats publics, le conseil de Paris a validé en 2019 un accord de cinq ans avec le groupe Clear Channel, qui rapportera au total 170 millions d’euros à la ville. Le contrat comportait l’installation de “1 630 panneaux de publicité et d’information » sur les trottoirs et les murs de la capitale.
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Photographie d’illustration : Place Élisabeth Dmitrieff, Paris Centre
© Paris Lights Up
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