L’école maternelle du passage Piver (11ème arrondissement) doit fermer ses portes l’été prochain. Depuis plusieurs mois, des résidents et parents d’élèves du quartier se mobilisent pour lui donner une nouvelle vie, et en faire pour un temps un lieu d’échanges et de partage au cœur de Belleville.
L’équipe derrière le projet du tiers-lieu Babelville organisait ce mercredi 16 décembre une troisième réunion publique pour évoquer le futur de l’école. Pour Elsa, à l’origine du collectif, « il s’agit de porter un projet collectif d’initiative citoyenne, à même de répondre aux attentes des habitants du quartier à la suite de la fermeture de l’école en juillet prochain. Le but de ces réunions est de réfléchir ensemble, collecter des idées d’activités ou de partenariat pour définir ce qui pourrait être la finalité de ce lieu, et proposer un projet concret et abouti à la mairie de Paris, propriétaire des locaux ».
La mairie du 11ème envisage aujourd’hui d’y installer une partie des activités du conservatoire de l’arrondissement, ainsi qu’une crèche. Le changement de fonction du site s’accompagnera d’un audit technique, avec une période intérimaire entre la transformation de l’école et ses nouveaux usages dont la durée reste à préciser. C’est dans ce cadre que l’équipe de Babelville souhaiterait investir les lieux pour une occupation temporaire en concertation avec la ville de Paris, une initiative qui serait « axée sur la jeunesse, la petite enfance, et les familles ».
Cinq autres personnes sont aujourd’hui engagées pour donner vie à ce projet : Alice en charge de la programmation, Aurélien du pôle coordination, Anne-Lise pour la communication, François pour l’aménagement, et Virginie pour les aspects juridiques et financiers. Aurélien rappelle que l’école Piver « représente près de 1 000 m² de surface, avec beaucoup de pièces, une cuisine, un préau, une cour, un jardin… » Autant d’espaces qui seraient les bienvenus dans ce quartier du Bas-Belleville, l’un des plus denses de la capitale. « On a envie que ça se mélange, qu’il y ait de la mixité, à l’image du quartier », insiste-t-il. Le tiers-lieu aurait plusieurs fonctions : s’il est avant tout conçu comme un endroit où échanger et apprendre, « ce serait aussi un lieu inclusif et solidaire, qui comprendrait un autre axe autour de la végétalisation, avec par exemple l’entretien d’un jardin en permaculture ».
L’équipe de Babelville souhaiterait que cette occupation temporaire puisse bénéficier à une dizaine d’associations pour en faire un véritable lieu de vie, et ce du matin au soir. Plusieurs autres tiers-lieux parisiens (les Grands Voisins, la base…) ont été contactés pour définir la recette optimale. « L’idée est d’avoir différentes activités. On aimerait s’inscrire dans l’économie circulaire, avec une ressourcerie dédiée au recyclage, aux réparations. Nous souhaitons créer une vraie zone de convivialité, avec des espaces d’expression libre, des ateliers, des cours de yoga, une participation des artisans et artistes du quartier, etc. Enfin, nous souhaitons un lieu solidaire, ouvert à toutes et tous. » Dans ce quartier où vivent de nombreuses familles modestes, la question de l’accessibilité devrait en effet être primordiale.
Signe de l’attention portée à ce projet par la ville de Paris, deux adjoints (PCF) au maire du 11ème étaient présents à cette troisième réunion publique : Bénédicte Dageville, chargée de la petite enfance, et Adrien Tiberti, responsable du logement et de l’habitat. Les porteurs du projet Babelville avaient déjà eu l’occasion d’échanger avec ces élus au cours des derniers jours. « On partirait sur l’hypothèse d’une mise à disposition gracieuse de la ville de Paris », reconnaît Elsa, qui détaille la stratégie budgétaire du projet Babelville, « sans quoi, il ne sera pas possible de garantir des tarifs accessibles à tous ». Côté dépenses, l’équipe estime nécessaire de créer un “poste d’accueil-gardiennage” pour assurer la sécurité des lieux, ainsi qu’un poste de coordination à plein temps, auxquels il faudrait ajouter des prestations de nettoyage. L’équipe compte sur des « ressources propres : location d’espaces, ateliers organisés par des bénévoles, mais aussi bar associatif et petite restauration. C’est ce que nous avons pu observer auprès d’autres tiers-lieux, cela permet de booster le modèle économique et de s’y retrouver ».
Il resterait cependant un « différentiel à couvrir. Ici, nous espérons mobiliser des financements extérieurs, avec des appels à projets, du mécénat, des subventions de l’État, de la région ou de la ville ». L’équipe de Babelville espère lancer la « phase 2 » entre janvier et juillet 2021 et « passer à la vitesse supérieure » pour déployer un projet mature, activer les partenariats avec les futurs acteurs du tiers-lieu et concrétiser les recherches de financements, “le tout, dans une démarche de co-construction avec la mairie”. Le collectif de résidents et de parents d’élèves espère obtenir une occupation éphémère du site de 18 mois.
Les participants au « débat citoyen » ne manquaient en tout cas pas d’idées pour donner une nouvelle vie à l’école Piver. Une créatrice des Ateliers d’artistes de Belleville évoque la possibilité de mettre du matériel ou des locaux en commun : « les artistes sont en manque d’ateliers, on a vraiment besoin d’espaces à Paris. Et même si l’occupation est temporaire, on peut tout de même créer une vie, des rencontres entre les gens, un état d’esprit ». Une représentante du collectif Maison de l’Air encourage les porteurs du projet, dressant un parallèle avec la mobilisation qui a permis d’éviter la privatisation du site au sommet du parc de Belleville. « On a réussi à faire en sorte que ce ne soit pas un lieu commercial, et la mairie du 20ème est enfin partante pour une concertation, » explique-t-elle, imaginant déjà un site repensé et dédié « au spectacle, à la transmission, au savoir-faire, à l’éducation, à la culture… »
Sylvie, gérante de l’entreprise Spring Court voisine, aimerait rendre hommage au « passé industriel et à l’âme du passage, qui comptait des artisans, des imprimeries, toute une vie ! » Une jeune femme de l’assistance souhaiterait quant à elle mettre à profit les grandes salles lumineuses ou la cour de l’école pour encourager l’expression artistique, « avec de la danse comme au Centquatre ». Le site se voudrait également solidaire, comme vient le rappeler une représentante des Midis du MIE, association d’aide aux mineurs isolés « qui a terriblement besoin d’un lieu. Nous sommes dehors au jardin de la rue Pali-Kao, dehors pour les maraudes… On a besoin d’intégrer ces jeunes : on fat des ateliers, des projets temporaires. Ça permettrait de s’inscrire un peu plus longtemps dans un quartier qui est aussi celui qu’ils fréquentent ». En effet, le dispositif d’évaluation des mineurs étrangers isolés (DEMIE) est situé à deux pas de l’école Piver, aux abords du métro Couronnes.
Signe de l’intérêt croissant pour le projet manifesté par les acteurs du quartier, d’autres associations et collectifs étaient représentés au cours de cette troisième réunion publique, comme le centre social Le Picoulet, le conseil citoyen du 11ème arrondissement, et l’association Ciné Club Ménilmontant. Le constat est partagé : un nouveau tiers-lieu, même éphémère, aurait un impact positif sur tout le quartier. Les riverains du passage Piver, où se trouve notamment le théâtre de Belleville, s’accordent sur les difficultés rencontrées à l’échelle locale : problèmes de propreté et de sécurité, activité commerciale en berne, avec de nombreuses devantures fermées aux alentours de la rue de l’Orillon.
Trait d’union entre cette dernière voie et la rue du Faubourg-du-Temple, le petit passage a pourtant bien des arguments à faire valoir. Côté ouest, on retrouve les marques de l’héritage industriel du quartier, avec notamment les locaux historiques de Spring Court. Côté est, le charmant square Jules Verne et son petit bâtiment associatif, qui accueille aujourd’hui Le Bouquin qui bulle, « lieu dédié à la lecture, l’écriture, l’oralité et la citoyenneté » et engagé sur le réemploi et recyclage à travers son atelier. Pour l’équipe de Babelville, “un tiers-lieu installé à proximité immédiate pourrait permettre d’amplifier ces initiatives”. À l’heure actuelle, le passage Piver peut être traversé à pied ou à vélo mais reste une impasse pour les automobilistes. L’espace dédié aux piétons demeure insuffisant. Ses trottoirs sont hérissés d’un incontournable alignement de poteaux destiné à empêcher les véhicules de se garer, empiétant ainsi sur la place accordée aux autres modes de déplacement. Des équipements à l’utilité discutable pour une petite voie résidentielle et peu connectée aux principaux axes routiers des environs.
Un passage Piver plus apaisé – et disons-le, piétonnisé – offrirait un cadre idéal au projet de tiers-lieu porté par l’équipe de Babelville. Et puisqu’une crèche et une annexe du conservatoire lui succéderont, une telle métamorphose permettrait d’améliorer sur le long terme le quotidien des riverains et, plus largement, de tous les résidents du quartier. La transformation du site permettrait de répondre à leurs préoccupations en faisant du passage un véritable lieu de vie : les petits parisiens pourraient y jouer en toute sécurité, de nouveaux commerces s’y installer, créant un petit oasis urbain à deux pas du carrefour animé de Belleville. La conversion éphémère de l’école Piver en serait la première étape : on a déjà hâte de découvrir ce que pourraient nous réserver ces nouveaux voisins !
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Babelville Paris
7 passage Piver, 75011 Paris
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Photographies : Site de l’école Piver © Babelville
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