Photographie : “Une épopée afghane” au Pavillon Carré de Baudouin (20e)

Sur les hauteurs de Ménilmontant (20e arrondissement), le Pavillon Carré de Baudouin accueille jusqu’au 2 avril l’exposition Le Rire des Amants – Une épopée afghane, qui réunit six photographes autour de l’œuvre du poète Sayd Bahodine Majrouh.

Organisé en “soutien au peuple afghan et à ses artistes” dans le “premier établissement culturel de l’arrondissement”, l’événement comprendra également plusieurs rencontres et ateliers autour de la littérature ou du cinéma. Autant de témoignages pour compléter le panorama de séries présentées, réalisées de 1983 à 2021, entre “diversité fidèle à la complexité de la réalité” du pays et “quête de la beauté et de la poésie” comme remède aux douleurs actuelles et passées des Afghanes et des Afghans.

Au rez-de-chaussée, le visiteur découvre les œuvres grand format de Reza, figure internationale du photojournalisme originaire d’Iran et aujourd’hui basé à Paris. On reconnaît notamment son célèbre portrait du commandant Massoud, le “Lion du Panchir”, ou la force du regard de ces enfants des montagnes dont il traduit le quotidien. L’agence créative cofondée par Reza, Webistan, ainsi que les Ateliers Reza, association de “formation au langage de l’image des jeunes vivant dans des sociétés civiles endommagées”, sont tous deux partenaires de l’événement.

On retrouve ensuite la série Wrong Place? du photojournaliste afghan Massoud Hossaini, ancien correspondant local de l’AFP, qui a pu quitter Kaboul en août dernier avant la chute de la ville aux mains des talibans. Directement extraits de son compte Instagram, ses témoignages composent “un modèle de journal quotidien tentant de surmonter l’horreur par la beauté des choses simples”. Récompensé d’un Prix Pulitzer de la photographie d’actualité en 2012 après avoir documenté un terrible attentat au cours duquel il est lui-même blessé, Massoud Hossaini vit à présent aux Pays-Bas.

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Photographie issue de la série Terres sombres – © Naseer Turkmani

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La mystérieuse série Terres Sombres, du photographe afghan Naseer Turkmani, accueille le visiteur au second étage. Lui aussi contraint à l’exil en France en août 2021, le jeune trentenaire nous invite à la rencontre d’un Afghanistan méconnu, fait de ruelles brumeuses, d’anciens villages, de leurs cimetières, et de pentes enneigées d’où se détachent des ombres anonymes. Dans la pièce suivante résonne Le Rire des Amants, texte “empreint de douceur, d’universalité, et de puissance” du poète Sayd Bahodine Majrouh, qui donne à la fois son titre et ses nuances à l’exposition.

C’est certainement dans la dernière salle, la plus grande, que “l’amour et la beauté”, en lesquels le poète voit “les armes ultimes de résistance à la barbarie”, font leur apparition la plus éclatante. Ses murs accueillent les œuvres de trois femmes photographes : Roshanak, née à Téhéran et établie en France depuis 1991, Roya Heydari, qui à l’âge de 27 ans partage “un regard neuf sur l’Afghanistan et témoigne des actions d’ONG sur le terrain” et traverse aujourd’hui un nouvel exil après avoir dû quitter le pays l’été dernier, et Fatimah Hossaini, l’une des grandes représentantes de la photographie afghane contemporaine.

Les femmes du pays et la diversité des traditions locales sont à l’honneur dans son Audace de la beauté, série haute en couleurs qui contribue à donner une note d’espoir à cette fin exposition. Les compositions lumineuses de Fatimah Hossaini, qui a enseigné à la faculté d’art de l’Université de Kaboul et a travaillé avec plusieurs grands journaux comme le Guardian, “racontent par la photographie des histoires puissantes d’identité et de féminité”.

Rappelant que les femmes sont les premières victimes du regain obscurantiste actuel, l’artiste désormais résidente de la Cité des arts de Paris s’engage pour défendre leurs droits, redonner une voix à celles qui semblent plus que jamais oubliées, et peut-être écrire d’autres possibles. “En ce temps-là, on n’inventait pas la cage. / En ce temps-là la ville était sans porte. / En ce temps-là, on ne dressait pas / muraille, on ne creusait nul fossé.” écrit Sayd Bahodine Majrouh dans son Voyageur de minuit, traduit en français à titre posthume en 1989. Des paroles qui n’ont rien perdu de leur résonance, à l’heure d’un nouvel exil pour l’Afghanistan et ses artistes.

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Le Rire des Amants – Une épopée afghane
Jusqu’au 2 avril – Mardi à samedi : 14h-18h (19h le jeudi)
Entrée libre

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– Retrouvez d‘autres expositions à découvrir ce mois-ci dans l’est parisien –

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Pavillon Carré de Baudouin
121 Rue de Ménilmontant, 75020 Paris
www.pavilloncarredebaudouin.fr

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Photographie d’illustration (recadrée) : Portrait issu de la série Pearl in the oyster / L’audace de la beauté
© Fatimah Hossaini

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