Nous avons le plaisir de vous présenter un entretien-portrait et une sélection d’œuvres de l’artiste Getachew Berhanu, co-lauréat du prix Paris Lights Up attribué dans le cadre de l’exposition « Les Nouveaux 2021 » des Ateliers d’Artistes de Belleville.
Né à Addis-Abeba, Getachew Berhanu “a baigné dans la tradition picturale éthiopienne dès son plus jeune âge” grâce aux enseignements de son père, un artiste lui-même formé auprès de peintres traditionnels. Conteur d’histoires visuelles depuis près de trente ans, il met aujourd’hui à profit cet héritage unique pour composer des scènes de rue pleines de vie, qu’il s’agisse de retranscrire l’atmosphère des marchés de Mayotte, l’ambiance des discothèques de la capitale éthiopienne, ou le rythme des boulevards parisiens. Se revendiquant aujourd’hui comme “un Éthiopien à Paris”, Getachew Berhanu s’inspire de ses longues promenades à travers la capitale pour dénicher les détails et personnages qui viendront enrichir ses toiles.
Grâce au partenariat presse entre notre journal et les Ateliers d’Artistes de Belleville, dans le cadre de l’exposition « Les Nouveaux 2021 » présentant les adhérentes et adhérents les plus récents de l’association, Getachew Berhanu a été désignée pour recevoir le prix Paris Lights Up aux côtés d’Olena Donichenko. Nous avons également présenté le travail de cette dernière dans un récent entretien-portrait.
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Getachew Berhanu : Premièrement, je tiens à vous remercier de m’avoir invité. C’est la première fois que je participe aux portes ouvertes des Ateliers d’Artistes de Belleville, et j’en suis très heureux.
Paris Lights Up : Vos œuvres s’inscrivent dans la tradition de l’art iconographique éthiopien traditionnel, auquel vous apportez une touche contemporaine. Pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec cette école artistique, pourriez-vous nous en décrire l’histoire et les particularités ?
Getachew Berhanu : L’Éthiopie a sa propre philosophie, sa propre culture, ses traditions ancestrales. De ce fait, elle a développé son propre style artistique pictural. Cet art se retrouve dans les grottes et les églises dans tout le pays.
Vous avez été formé par votre père, Berhanu Yimenu, lui-même peintre. La question de l’héritage, aussi bien culturel que familial, est-elle fondamentale dans votre travail ?
En effet, la technique de mon père a influencé mon travail. Certains artistes comme mon père reprennent les codes de l’art sacré pour les utiliser dans des sujets profanes, comme par exemple des thèmes historiques : la bataille d’Adoua [victoire décisive des forces éthiopiennes contre les colonisateurs italiens, en 1896, NDLR], la légende de la reine de Saba et du roi Salomon, ou des thèmes de la vie quotidienne, comme les marchés, la cérémonie du café… Je revendique cet héritage tout en y apportant ma touche personnelle.
Après Addis-Abeba, vous rejoignez Mayotte, puis Paris en 2017. En tant qu’artiste, comment avez-vous vécu cette arrivée dans la capitale ?
L’architecture, les musées, la diversité des quartiers, les cafés, les terrasses de restaurants, sont pour moi les lumières de Paris. Le brassages des cultures du monde m’intéresse beaucoup, et cette diversité culturelle est visible dans cette ville. Addis-Abeba est aussi une capitale bouillonnante mais elle ne concentre pas autant de différentes cultures de plusieurs pays, et c’est cela qui m’impressionne dans Paris.
Dans la tradition éthiopienne, vos œuvres se distinguent par une profusion de détails et de couleurs, dépeignant tour à tour scènes de vies et événements historiques. De la composition aux touches finales, pourriez-vous détailler votre démarche de création artistique ?
Avant de faire un tableau, je note dans un carnet tout ce que j’ai observé et entendu. Ainsi, je dispose d’une somme d’idées pour la composition du tableau. Je peux réunir dans une composition des éléments qui peuvent être éloignés dans la réalité, ce que ne fait pas un cliché photographique. Au cours de la réalisation d’un tableau, j’aime aussi avoir l’avis et les conseils de mon entourage.
Vous cultivez l’originalité en mettant à profit l’art traditionnel pour évoquer des thèmes plus modernes, ou d’autres horizons, comme la vie parisienne. D’où vient cette volonté de réinvention exprimée dans vos œuvres ?
Mon père m’a ouvert la voie ; lui qui a peint dans les églises orthodoxes et fait des tableaux historiques a aussi dépeint la vie quotidienne pour répondre aux demandes d’amateurs d’art étrangers. Je continue cette pratique en l’enrichissant de détails humoristiques et en m’inspirant de thèmes d’actualité politique, ou des nouveaux lieux dans lesquels je vis, Mayotte et Paris.
Vous vivez aujourd’hui dans l’est parisien. Quels sont les quartiers, les lieux, les rues qui vous inspirent ?
Beaucoup de choses m’inspirent à Paris. À mon arrivée, j’ai beaucoup été sur le marché aux puces du boulevard de Ménilmontant. J’observais l’arrivée de la police qui faisait fuir les vendeurs à la sauvette, abandonnant leur camelote. Les objets abandonnés étaient à leur tour volés par d’autres personnes qui les remettaient à la vente pour leur propre compte sitôt les policiers partis. Cela donnait lieu à des disputes et des bagarres. Sur ce marché, j’ai aussi observé les gens qui fument, boivent, vendent du haschich, des portables… Je regardais cela comme une pièce de théâtre, et je m’en suis inspiré. D’autres lieux m’inspirent, comme le quartier chinois de Belleville, le marché africain de Château Rouge, les manifestations sur la place de la République… qui me donnent beaucoup d’idées pour mes prochaines toiles.
Après un an et demi plus que difficile pour les artistes et la culture, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour les mois à venir ?
J’aimerais pouvoir exposer mes œuvres plus souvent et vendre ! Je forme le souhait que la situation s’améliore pour tous les artistes et que le covid disparaisse !
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Getachew Berhanu
Site : getachewberhanu.wixsite.com
Profil – AAB : ateliers-artistes-belleville.fr
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Illustration © Getachew Berhanu
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Bravo pour cette belle présentation. Nous avons la chance d’avoir trois tableaux de Getachew chez nous. J’espère que’il trouvera nombre de nouveaux amateurs.