Après dix mois de silence, plusieurs clubs LGBTQ+ parisiens pourraient disparaître

Fréquenté par les fêtards parisiens depuis plus d’un siècle, le club Le Tango vient d’être mis en vente. D’après les informations de Têtu, d’autres établissements LGBTQ+ emblématiques risquent eux aussi de mettre la clé sous la porte : le Gibus, la Mutinerie, le Dépôt, ou encore le Banana Café.

Parmi les plus vieux dancings de la capitale, Le Tango (également appelé “La boîte à frissons”) se distingue par sa façade hors du temps, nichée au cœur de la charmante Rue au Maire entre plusieurs adresses de cuisine chinoise. La semaine dernière, le propriétaire Alexis Carcassonne a confirmé à la rédaction de Têtu son intention de se séparer de l’établissement. “On n’a aucune visibilité sur une possible date de réouverture. De toute manière, on ne tiendra pas jusqu’en septembre 2021,” explique-t-il. L’immeuble est mis en vente dans sa totalité.

Le propriétaire du Tango précise que les aides lui permettant de payer les salaires des employés du club ont été suspendues en septembre, et qu’il ne perçoit lui-même plus aucune rémunération depuis près d’un an. Des demandes de prêts garantis par l’État doivent également être remboursés d’ici le mois de mars, alors que l’horizon ne montre aucun signe d’éclaircie pour les professionnels de la culture et de la nuit.

Frédéric Hocquard, conseiller de Paris (Génération·s) et adjoint à la maire en charge du tourisme et de la vie nocturne, affirme que “tout sera fait pour éviter” la disparition pure et simple de l’établissement. “On ne va pas laisser le Tango devenir un supermarché”, poursuit-il dans un tweet. L’équipe d’Ariel Weil, maire (PS) de Paris Centre, s’est également engagée en vue de préserver la dimension festive de cette adresse située en plein cœur de la capitale, à deux pas du métro Arts et Métiers.

Le propriétaire a bien précisé avoir eu des échanges avec la mairie de Paris. Interrogé par Têtu, Frédéric Hocquard indique que “la ville n’exclut pas de préempter l’immeuble. Nous sommes également en train de mettre en place un fonds avec la Banque publique d’investissement pour investir dans les entreprises parisiennes”. L’an dernier, la mairie avait annoncé le lancement d’une enveloppe de 10 millions d’euros pour secourir les lieux culturels en péril. Après le sauvetage du Lavoir moderne parisien et de La Flèche d’or, le Tango sera-t-il la prochaine adresse à en bénéficier ?

Dans un secteur frappé par la crise comme aucun autre, la municipalité ne devrait malheureusement pas manquer de prétendants dans les mois voire les années à venir. La préemption s’applique cependant uniquement lorsque les murs des établissements sont à vendre, or de nombreux clubs ne sont que locataires. Entre le Marais et République, où les loyers sont très élevés, les prêts parfois accordés par les banques ne suffisent plus et plusieurs adresses sont aujourd’hui menacées de fermeture définitive.

Dans une enquête publiée la semaine dernière, Têtu recense quelques-uns des établissements fragilisés par dix mois de crise sanitaire. Les gérants du Raidd Bar, rue du Temple, ou encore du Gibus, rue du Faubourg-du-Temple, expliquent ainsi que les aides proposées sont insuffisantes pour payer leurs loyers. D’après le journal, le Dépôt, le Banana Café, ou encore la Mutinerie seraient désormais en sursis. Les adresses qui accueillent des soirées LGBTQ+ ne sont bien entendu pas les seules à rencontrer des difficultés, mais les prix prohibitifs du Marais les placent aujourd’hui dans une situation particulièrement inconfortable.

Dans le quartier, ce ne sont d’ailleurs pas uniquement les établissements favoris des noctambules qui souffrent des conséquences de la crise sanitaire. Faute de clients et de touristes, la boulangerie Legay Choc a ainsi fermé son adresse emblématique de la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie le mois dernier. L’avenir d’une autre institution du Marais est également en question : celui du théâtre Les Blancs Manteaux, vidé de ses spectateurs et jugé indésirable par le propriétaire des murs. « Nous sommes menacés d’expulsion par un bailleur avide d’argent, qui cherche à profiter de notre faiblesse financière due à la fermeture imposée dans le contexte sanitaire actuel », estime son directeur Frédéric Cagnache, qui a lancé une pétition et un appel à solidarité.

Après presque un an de silence pour le monde de la nuit, il est vivement regrettable de constater l’absence d’un dispositif à la hauteur pour soutenir les lieux culturels, notamment ceux qui demeurent locataires de leurs salles. Même confinée, Paris continue d’aiguiser les appétits immobiliers de propriétaires qui ne sont pas tous préoccupés par les questions d’éthique. Si vous dirigez une telle structure et n’avez reçu aucun soutien ou bénéficié d’aucun geste de la part de votre propriétaire depuis mars dernier, n’hésitez pas à contacter notre rédaction : nous nous ferons une joie d’enquêter sur les pratiques discutables qui mettent aujourd’hui en péril la diversité culturelle de la capitale.

.

.

.

Photographie d’illustration : Le Tango – Rue au Maire, Paris.
©
Paris Lights Up

.

.

3 thoughts on “Après dix mois de silence, plusieurs clubs LGBTQ+ parisiens pourraient disparaître”

Laisser un commentaire