Après la disparition de cygnes à la Villette, des solutions concrètes pour la protection animale

Deux des cinq cygnes du canal de l’Ourcq, nouvelles mascottes du quartier, ont malheureusement disparu ces derniers jours. La création d’un sanctuaire animalier à la Villette apparaît plus que jamais nécessaire.

Qu’est-il arrivé aux cygneaux d’Odette et Siegfried ? D’après l’association Paris Animaux Zoopolis (PAZ), en contact avec les riverains, “seuls trois cygnes étaient visibles et un corps sans vie d’un cygneau a été récupéré par la brigade fluviale” samedi dernier. Les causes de son décès ne sont pas encore connues, mais une analyse a été demandée par l’association. Les circonstances de la disparition du dernier cygne absent ne sont à l’heure actuelle guère plus claires.

Si l’origine de ces disparitions reste incertaine, les risques étaient connus et un tel dénouement redouté par de nombreux riverains. Difficile de nier que le site de nidification n’était pas idéal, tout comme l’environnement dans lequel évoluait depuis la famille de cygnes. Le canal de l’Ourcq, lieu de promenade populaire de l’est parisien, est habituellement fréquenté de jour comme de nuit. Trop souvent pollué, il voit également circuler chaque jour un grand nombre d’embarcations.

Installées en avril dernier, les barrières de protection du radeau végétalisé sur lequel s’étaient installés les cygnes ont été retirées mercredi 14 octobre, contre l’avis des associations de protection animale, avant d’être remises en place ce mardi. La famille a rarement été aussi exposée sur ce radeau, qui n’a pu leur garantir un refuge suffisant après le déconfinement. Le site est peut-être optimal pour les plantes aquatiques, mais il n’a pas vocation à demeurer un lieu de ponte à long terme. Les risques sont trop importants : qu’un seul cygneau ait pu survivre jusqu’à l’automne en est l’amère démonstration.

Les Parisiennes et les Parisiens souhaitent voir s’épanouir de nouvelles générations d’animaux dans leurs quartiers, qu’il s’agisse pour les seuls oiseaux de cygnes, de canards, de foulques ou d’oies. L’entretien d’un radeau végétalisé à ce carrefour passant et fluvial du 19ème arrondissement ne sera jamais une solution suffisante : la protection animale demande plus d’ambitions. En mai dernier, après l’éclosion des cygneaux, nous avions évoqué en détails le projet de sanctuarisation de la darse du Rouvray, un autre canal plus discret de la Villette. Et si le constat d’échec actuel était un déclic pour enfin passer à l’action ?

Pour PAZ, qui a lancé une pétition afin d’appeler à la création d’un sanctuaire animalier à cet emplacement, “le problème majeur est le manque d’habitat pour les animaux”, avec la nécessité d’une végétation adaptée aujourd’hui insuffisante le long des autres canaux. Au contraire, la darse du Rouvray reste un oasis de verdure. Une mobilisation sincère et durable des acteurs concernés permettrait d’y redonner un peu de place à la vie sauvage.

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Si l’environnement paisible de la rive est de ce petit canal apparaît idéal – passage limité, peu d’activité, présence de végétation – c’est plutôt l’imbroglio d’institutions concernées et de leurs compétences sur le site qui pose problème. Selon PAZ, “la partie nord appartient à la mairie de Paris (bureaux des canaux de Paris) et la partie sud à l’établissement public de la Villette”, lui-même placé sous la tutelle du ministère de la Culture.

Les tracasseries administratives ne sauraient cependant justifier d’écarter un tel projet. Il est ici question de volonté politique. Rappelons que ce même site fut occupé de 1867 aux années 1970 par les immenses abattoirs de la Villette, sur une surface de 54 hectares au total. Peu de Parisiennes et de Parisiens imaginaient alors le renouveau du quartier avec le développement d’un “parc culturel” parsemé de salles de concert et d’initiatives artistiques.

La proposition de sanctuarisation de la darse du Rouvray concerne un périmètre très restreint. Les défenseurs des animaux ne demandent pas aux autorités d’y construire quoi que ce soit, mais au contraire de préserver les lieux de la présence humaine et de ses inévitables nuisances. Tous les acteurs concernés y trouveraient leur compte.

Ce projet permettrait à la ville de Paris d’annoncer une mesure forte et visible en faveur du bien-être animal. En dépit de son rôle pionnier dans l’interdiction des cirques avec animaux, la municipalité a encore bien des défis à relever : appels à la fermeture des enclos anachroniques de la ménagerie du jardin des Plantes, question de l’extermination des rats, ou contradictions de la pêche. Rappelons que la consommation des poissons pêchés à Paris est aujourd’hui interdite. En prohibant cette pratique à la darse du Rouvray, la ville de Paris aurait l’occasion d’exprimer son opposition à ce qui constitue une cruauté gratuite envers les animaux. Quand on a les moyens de bâtir un Grand Palais temporaire ou une tour de 42 étages, les efforts requis ne paraissent pas surhumains.

Ce projet serait l’occasion pour le service des canaux de rappeler son rôle concernant l’épanouissement de la biodiversité parisienne. L’établissement public du parc de la Villette y serait pleinement associé, dans une perspective qui pourrait être éducative afin de bénéficier aux petites Parisiennes et petits Parisiens qui n’ont parfois guère l’occasion d’admirer d’autres animaux que les seuls pigeons. Les temps changent et les lieux doivent s’adapter aux usages et aux demandes des résidents de la capitale. Soyons honnêtes : les bâtiments qui bordent la darse du Rouvray ne sont pas tous des chefs d’œuvre architecturaux, et ne sont pas tous indispensables.

Ce projet donnerait aux habitants de la région comme aux visiteurs une nouvelle raison de faire un détour du côté de la Villette. Le sanctuaire animalier aurait la même fonction qu’une île sur un lac d’eau douce : elle servirait de refuge aux animaux de nombreuses espèces, qui pourraient y nicher ou s’y reposer avant d’explorer les alentours. Le quartier accueillerait ainsi de plus en plus de spécimens, qui s’envoleraient parfois pour rejoindre les Buttes-Chaumont, le bois de Vincennes ou d’autres espaces verts franciliens. Disposant dorénavant d’un abri sûr et durable, chaque nouvelle génération pourrait y élever ses petits et ainsi poursuivre un véritable regain de biodiversité à plus long terme.

Les animaux seraient bien entendu les principaux bénéficiaires d’une telle initiative. S’ils auraient sans doute toujours quelques admirateurs depuis l’autre rive de la darse, ils pourraient enfin s’épanouir en toute quiétude et en toute liberté : sans cages, sans enclos, sans pollutions, sans entraves. Comme le souhaitent aujourd’hui les Parisiennes et les Parisiens.

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Photographies d’illustration :
Gauche : les cygnes du canal de l’Ourcq en août 2020, Paris 19°.
Droite et diaporama : la darse du Rouvray, Paris 19°.
© Paris Lights Up

2 thoughts on “Après la disparition de cygnes à la Villette, des solutions concrètes pour la protection animale”

  1. Attention, beaucoup de chats ont fait de la darse du Rouvray leur territoire de chasse. C’est pour cela que les cygnes ont niché sur le radeau flottant au pont de Crimée car c’était plus sécurisant pour leur progéniture.
    Par ailleurs, l’article est contradictoire: d’un côté, il y a une injonction à créer un sanctuaire animalier qui serait à l’abri des activités humaines, et donc coupé des hommes et femmes; de l’autre, PAZ semble regretter que les petit(e)s Parisien(nes) n’ont plus l’occasion d’admirer d’autres animaux que les seuls pigeons.
    Il faut savoir ce que l’on veut: soit c’est un sanctuaire, et on ne dérange pas la faune sauvage qui y vit. Soit c’est un parc où la faune sauvage côtoie les humains, et on peut faire venir les enfants pour qu’ils découvrent la Nature, un peu comme dans un parc zoologique ;-)).
    Il se trouve que c’est déjà le cas dans la darse du Rouvray, où il y a une école de pêche destinée aux enfants, et où ils apprennent le respect de la Nature, ainsi que son fonctionnement: naître, rechercher sa nourriture, grandir, se reproduire, mourir, la prédation, la fuite, la lutte pour la survie, la sélection naturelle, la survie de l’espèce plutôt que celle des individus, etc.

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