À l’occasion de la “Journée mondiale pour la fin du spécisme”, nous avons posé quelques questions à Amandine Sanvisens et Philippe Reigné, responsables de l’association Paris Animaux Zoopolis, pour évoquer le sort des rats dans la capitale.
Paris Lights Up : Il est difficile d’estimer le nombre de rats qui vivent aujourd’hui à Paris. De fait, constate-t-on réellement une augmentation de leur population comme on a pu l’entendre ces dernières années ?
Paris Animaux Zoopolis : Il n’existe aucune étude scientifique sur le nombre de rats à Paris (contrairement à New-York, où un décompte des rats a été réalisé). Notons que Paris avait commandé une étude sur le nombre de pigeons, avec une estimation de seulement 23 000 individus.
Il est donc impossible de parler d’augmentation. Par contre, nous pouvons noter un ressenti d’augmentation par la population parisienne dû, selon nous, à un déplacement des rats du sous-sol vers l’extérieur à cause des crues et des grands travaux.
De plus, la population de rats dépend de la nourriture : il ne peut y avoir d’augmentation de leur nombre sans augmentation de la nourriture disponible.
Égouts, terriers souterrains, parcs, jardins : comment se répartit la population des rats à Paris ? Que sait-on de leur organisation sociale ?
Notre association demande qu’une telle étude soit réalisée. Nous manquons cruellement de données sur les rats de Paris. Nous savons que désormais, il y a des générations qui n’ont jamais connu les égouts, qui sont nées dans les parcs et jardins.
Les rats sont particulièrement intelligents et sociaux. Des études ont été réalisées sur l’altruisme chez les rats. Nous avons d’ailleurs interviewé un chercheur suisse, Michael Taborsky, spécialiste de la question :
Qu’on le veuille ou non, le rat et l’humain vivent en symbiose dans tous les grands centres urbains de la planète. Si ces animaux ont trop souvent mauvaise presse, on en oublie presque leurs nombreux apports positifs, notamment du point de vue de la gestion des déchets.
Rappelons que les rats sont présents à Paris parce c’est une ville “riche”, qui gaspille beaucoup d’un point de vue alimentaire. Ils se reproduisent en fonction de la nourriture disponible.
Les rats consomment beaucoup de déchets. Les égoutiers rappellent souvent que sans eux, les égouts seraient bouchés : 292 000 tonnes de déchets seraient consommés par les rats à Paris, chaque année [NDLR : les sources diffèrent sur la question, mais évoquent toutes au moins plusieurs dizaines de milliers de tonnes].
Dans la capitale, pourriez-vous nous décrire la politique actuelle des autorités à l’égard de ces rongeurs ?
Dans un arrêté, la préfecture de Paris parle de “destruction massive et généralisée des rats”. Nous considérons que les institutions déclarent une guerre aux rats. Toutes les méthodes utilisées sont cruelles :
– principalement des anticoagulants, qui provoquent des hémorragies internes.
– des pièges à alcool, utilisés dans quelques parcs et jardins (les rats sont noyés).
– des essais de gaz carbonique injecté dans les terriers pour les asphyxier.
La question des rats est actuellement gérée par plusieurs adjoints à la maire de Paris : santé, propreté, affaires scolaires et espaces verts. Nous demandons à ce que cette question soit uniquement gérée par l’adjoint en charge de la condition animale et des espaces verts.
Nous appelons de nos vœux une véritable réflexion sur une cohabitation pacifique avec les animaux liminaires. Les mairies et institutions plus généralement doivent se poser la question d’autres méthodes non létales. Par exemple, en agissant en amont sur la reproduction et la gestion des déchets.
Aujourd’hui, par facilité, elles font systématiquement appel aux sociétés de dératisation. Pourtant, tuer n’est pas la solution et l’efficacité n’est pas avérée. Paris refuse de tuer les pigeons alors que d’autres communes le font. Nous souhaitons que cette considération inclue les rats.
D’après une enquête réalisée en début d’année par PAZ, “61 % de la population parisienne est favorable à ce que la mairie utilise une alternative non létale concernant les rats”. Constate-t-on aujourd’hui un véritable changement de l’image négative longtemps associée à ces animaux ? Les jeunes générations ont-elles par exemple une approche plus empathique de la question ?
Nous assistons à une prise de conscience de la population en faveur de la condition animale. Il y a encore un gros travail d’information à réaliser afin de déconstruire les idées reçues. Le discours tenu par les institutions est très problématique et accroît les peurs irrationnelles.
71% des 18-24 ans parisiens souhaitent des méthodes non-létales concernant les rats à Paris. Il y a une différence significative avec le pourcentage sur toute la population, ce qui est cohérent avec les attentes très fortes de la jeune génération sur la condition animale.
Que demandez-vous aujourd’hui aux autorités en charge des politiques liées aux rats ?
1 – changer radicalement de discours en donnant des faits : aucune maladie n’a été transmise à Paris par les rats récemment, les rats sont des animaux sensibles et intelligents, observer un rat dans un jardin n’est pas un problème, etc.
2 – amorcer une véritable réflexion avec des expert·e·s sur des méthodes non létales et les expérimenter.
3 – mettre des moyens importants sur la gestion des déchets : 100% de poubelles hermétiques dans l’espace public, relevé des poubelles des immeubles le soir (et pas le matin).
4 – lancer une campagne contre le gaspillage alimentaire.
5 – planifier une sortie de l’empoisonnement massif.
À Paris, que peuvent faire les amies et amis des animaux pour soutenir la cause des rats ?
Il est possible d’écrire à la maire de Paris pour lui demander de mettre en place des méthodes non létales et de changer le discours de la ville sur le sujet. Plus généralement, on peut toutes et tous contribuer à déconstruire les idées reçues sur les rats.
Illustration de la fable “Conseil tenu par les rats” de Jean de la Fontaine – Éditeur H. Fournier
© J. J. Grandville – Collections BnF
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