La grève des personnels du Centre Pompidou dure désormais depuis un mois, après sa reconduction ce matin lors d’une assemblée générale ayant réuni près de 200 agentes et agents. Ces derniers craignent pour leur avenir, alors que l’institution doit fermer pour au moins cinq ans à partir de 2025.
“Depuis le 16 octobre 2023, les agents du Centre Pompidou sont en grève, à la suite d’un préavis déposé par l’intersyndicale CFDT, CGT, FO, SUD et UNSA, pour défendre ses missions de service public et le maintien de ses activités de son bâtiment principal, dans un lieu unique, pendant la durée des travaux”, résument les grévistes dans une pétition lancée le mois dernier et réunissant déjà près de 2 500 signataires. “Nous alertons depuis des mois voire des années, pour que toutes les activités et toutes les actions culturelles de l’établissement continuent de rayonner et d’exister pour le public, et pour que chaque agent.e soit entendu.e et maintenu.e dans son activité a minima dans les conditions actuelles. Les situations de travail d’aujourd’hui sont déjà complexes.” En parallèle, une caisse de grève a par ailleurs été mise en ligne par l’intersyndicale de l’établissement.
Si la mobilisation engagée depuis un mois grâce à une rotation des arrêts de travail entre les différents services a permis “des avancées”, les revendications des agents du Centre Pompidou avant la longue fermeture du site restent encore nombreuses. Parmi elles, les grévistes demandent “la solution d’un lieu unique dédié, en gestion autonome, pour assurer le maintien de toutes les activités du Centre Pompidou”, mais aussi “la non externalisation des activités, services et de leurs missions, le droit au retour de tous les agents sur leur poste à la réouverture du bâtiment, la cédéisation des agents sur CDD qui répondent effectivement à des besoins permanents”, ainsi que la prise en compte des situations “des nombreux salariés des sociétés prestataires et concessionnaires qui participent à la vie du bâtiment”.
Appel à un rassemblement sur la place Igor Stravinsky (4e) le 21 novembre
Après une réunion de deux heures organisée ce mardi 14 novembre entre l’intersyndicale du Centre, son président Laurent Le Bon, et le cabinet de la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, les grévistes ont regretté l’absence d’avancées suffisantes pour suspendre le mouvement social. D’après les informations de France Info, la ministre aurait “exclu le redéploiement des agents sur un seul site alternatif pendant la fermeture”. En lien avec la direction de l’établissement, le ministère aurait également jugé “qu’il [était] trop tôt pour figer l’organisation de l’établissement à sa réouverture prévue dans sept ans”. La grève a ainsi été reconduite jusqu’au 15 décembre, tandis qu’un appel à un rassemblement sur la place Igor Stravinsky (4e arrondissement) voisine a été lancé pour le mardi 21 novembre.
Près de 480 agentes et agents seraient concernés par le “déménagement” des équipes du Centre Pompidou, avec des redéploiements sur d’autres sites parisiens et franciliens pendant la durée des travaux. Il devrait fermer ses portes au public pendant cinq ans, pour la plus importante rénovation de son histoire, à partir de 2025. La Bpi – Bibliothèque publique d’information déménagera pour sa part dans le quartier de Bercy (12e arrondissement). Le bâtiment imaginé par les architectes Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini, inauguré en 1977, n’a encore jamais connu d’opération de rénovation aussi prolongée. Le Centre avait cependant déjà dû fermer pour travaux entre 1997 et 1999 : l’ultime étape d’une remise en état alors nécessaire pour aborder sereinement l’entrée dans le nouveau millénaire. Les opérations concernaient toutefois uniquement l’intérieur de la structure.
Une réouverture complète pas envisagée avant 2030
La nouvelle rénovation devait initialement s’achever à temps pour les célébrations du cinquantenaire de l’ouverture du Centre Pompidou, en 2027. Elle avait ensuite été repoussée à 2024-2028 afin de garantir son ouverture pendant les Jeux olympiques et paralympiques accueillis par la capitale. Les équipes chargées des travaux auront tout d’abord la lourde tâche de désamianter le bâtiment. Les ascenseurs, les monte-charges, ainsi que l’ensemble des baies vitrées seront remplacés. Enfin, les systèmes anti-incendies bénéficieront d’une modernisation bienvenue. L’établissement précise que la remise à neuf répondra « aux normes de sécurité, aux normes techniques et énergétiques en vigueur, ainsi qu’aux obligations d’accessibilité pour les publics » à mobilité réduite.
D’après le calendrier annoncé au printemps, le musée fermera ses portes au public à l’été 2025. Les travaux débuteront quant à eux en début d’année 2026, avec une réouverture complète envisagée quatre années plus tard. Durant cette période, les équipes du site promettent “d’imaginer des projets différents en partenariat avec des institutions culturelles parisiennes telles que la RMN – Grand Palais, le Louvre, la Conciergerie”, mais aussi de tirer parti de l’ouverture prévue en 2026 du Centre Pompidou francilien à Massy, “nouveau pôle de conservation des œuvres du Musée national d’art moderne, espace dédié aux professionnels de la conservation muséale, et lieu de programmation ouvert à tous”.
La Bpi va déménager dans le 12e arrondissement, aux abords de Bercy Village
Le Centre emploie aujourd’hui plus d’un millier de personnes. Ses expositions et collections ont enregistré 3,3 millions de visites en 2019, et “3 millions en 2022”, d’après l’intersyndicale. La Bibliothèque publique d’information (Bpi), plébiscitée notamment par les étudiantes et les étudiants, aurait quant à elle comptabilisé “1 125 700 entrées” l’an dernier. D’après la direction du musée, elle “déménagera vers un site provisoire dans le quartier de Bercy, Le Lumière”, immeuble de bureaux de huit étages surplombant le centre commercial Bercy Village. L’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam) du Centre Pompidou, dont l’auditorium a rouvert ses portes au public en début d’année, resterait pour sa part entièrement accessible “dans ses murs”.
Institution incontournable dédiée aux artistes modernes et contemporains, le Centre Pompidou est situé entre le quartier du Marais, où l’on retrouve une grande diversité de galeries d’art, et celui des Halles, carrefour commercial de premier plan. Si le monde de la culture demeure naturellement parmi les premiers secteurs concernés, la fermeture du centre suscite plus largement des inquiétudes auprès de nombreux acteurs et commerçants locaux. En 2021, une pétition avait été lancée par l’Association pour la défense des riverains et l’animation du quartier des Halles (ADRAQH) pour demander de “maintenir ouvert le centre Georges Pompidou pendant les travaux”.
Le coût des seuls travaux estimé à 262 millions d’euros
“A-t-on oublié que le temple parisien de l’art contemporain est aussi la clef de voûte d’un écosystème – notamment les quartiers centraux Saint-Merri, des Halles, et du Marais – dont les acteurs économiques et culturels dépendent largement des flux de visiteurs et d’usagers de Beaubourg ?”, s’interrogeait alors l’association. Ses membres jugeaient alors que “maintenir le centre Georges Pompidou ouvert pendant les travaux est possible, puisque des travaux ont déjà été réalisés en site occupé et que cette proposition fut à l’étude”. D’après Roselyne Bachelot, précédente ministre de la Culture, une ouverture partielle au public aurait rallongé “de trois ans” la durée des travaux, cette dernière option ayant également été écartée en raison de son coût supérieur. Le budget du seul chantier de rénovation est aujourd’hui estimé à 262 millions d’euros.
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Photographie d’illustration : La silhouette du Centre Pompidou au-dessus des toits du quartier du Marais – Paris
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