Jeux olympiques et paralympiques de 2024 : Les bouquinistes sommés de retirer leurs boîtes pour “des raisons de sécurité”

Présents depuis des siècles sur les quais de Paris, les bouquinistes devront pour certains plier boutique et retirer leurs fameuses boîtes vertes des bords de Seine à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

En cause, des raisons de sécurité invoquées dans une lettre par la préfecture de Police, employant l’article L226-1 du code de la sécurité intérieure permettant “d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation”. Un arrêté préfectoral devrait donc pousser certaines boîtes vertes hors des quais en amont des Jeux de 2024, un déménagement qui pourrait conduire à la rénovation de certains équipements. Articulée autour de la Seine, la cérémonie d’ouverture du 26 juillet 2024 devrait suivre un parcours de 6 kilomètres entre le pont d’Austerlitz et le Trocadéro.

Parfois anciennes, ces boîtes sont fragiles et demandent des précautions et une logistique complexes. La ville de Paris pourrait prendre en charge cette démarche et les réparations. La municipalité souhaite par ailleurs installer un “Village des bouquinistes” à proximité de la Seine le temps des Jeux, ce qui ne semble pas satisfaire les premiers concernés. Une bouquiniste s’inquiète pour les jeunes qui viennent d’arriver sur la rive droite, craignant que ce départ marque la fin de leur commerce. Elle regrette un manque de considération de la part des instances décisionnaires. Entre quelques recommandations de livres, avec entre autres Le discours de la servitude volontaire de la Boétie dont elle dresse un parallèle avec la situation actuelle, elle déplore que “ce sont nos impôts qui paient ça, c’est vous, c’est moi, ça devrait être au CIO [Comité International Olympique] de régler ça”, ainsi que le fait de “ne pas être directement indemnisés pour la période où on ne pourra pas travailler”.

Environ 570 boîtes concernés par cet enlèvement, soit 59% d’entre elles

Là, tout le monde en parle, mais dans trois jours, on reviendra à autre chose”, complète celle qui a vu passer des journalistes venus du Vietnam s’emparer du sujet. Pour Le Monde, Jérôme Callais, président de l’Association culturelle des bouquinistes, juge que « Anne Hidalgo veut célébrer Paris et ses monuments avec les Jeux olympiques, mais les bouquinistes font partie de Paris. Vouloir nous faire disparaître, c’est aussi absurde que de démonter la tour Eiffel ou Notre-Dame de Paris ! Nous sommes là depuis quatre cent cinquante ans ». Au-delà d’une question de sécurité, il est visiblement reproché aux bouquinistes de gêner la vue de la cérémonie d’ouverture au niveau des quais hauts. Pour favoriser le spectacle et donner la meilleure image possible de Paris, alors que la ville sera sous les projecteurs du monde entier, les imposantes boîtes semblent renvoyées au rang d’indésirables en prévision du lancement des olympiades.

D’après le site de la mairie de Paris, il s’agirait d’environ 570 boîtes concernées par cet enlèvement, soit près de 60% d’entre elles. Les bouquinistes présents sur la rive droite devraient être les plus touchés, car directement sur le parcours de la cérémonie. Les libraires à ciel ouverts peuvent compter sur le soutien d’une partie du public, avec près de 70 000 signatures déjà réunies dans le cadre d’une pétition pour la “sauvegarde des bouquinistes des quais de Seine”, avançant l’argument d’un Paris sans bouquinistes qui reviendrait à “détruire l’âme de Paris”. Les boîtes vertes sont devenues un symbole, inscrites en 2019 au patrimoine culturel immatériel français par le ministère de la Culture – prérequis pour candidater à une reconnaissance au patrimoine mondial de l’Unesco – ce qui ne suffira a priori pas à les maintenir en place durant les Jeux.

Un métier vieux de près de 400 ans et réglementé au XIXe siècle

Si les souvenirs et les affiches plus ou moins parisiennes ont bien rejoint depuis longtemps les livres de seconde main, la tradition des bouquinistes remonte au XVIIe voire au XVIe siècle dans la capitale. Elle a pour origine la multiplication des vendeurs ambulants “accompagnant l’essor de l’imprimerie et du marché du livre d’occasion”expliquent les équipes du musée Carnavalet. Autre précision : “le nom des bouquinistes est forgé à partir du terme boucquain, c’est- à-dire ‘vieux livre dont on fait peu de cas’”, un terme dérivé du flamand boekin, ou “petit livre”.

Les premières concessions officielles ont été accordées en 1859, à l’époque du préfet de la Seine Haussmann – qui aurait initialement souhaité leur disparition des rives de la Seine – avec l’utilisation des premiers caissons à livres. “La taille et la couleur vert wagon de ces boîtes sont réglementées en 1891 ; elles sont dorénavant posées sur les parapets des quais”, poursuit le musée dédié à l’histoire de Paris. Du pont Royal au pont de Sully sur la rive gauche, et du pont des Arts au pont Marie sur la rive droite, les emplacements des bouquinistes représentent aujourd’hui “près de 3 kilomètres de promenade culturelle”.

 

 


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Textes & Photographie d’illustration (recadrée)  : Jérémy Torres

 

 

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