À deux pas des Buttes-Chaumont (19e arrondissement), le Fonds régional d’art contemporain présente jusqu’au 23 avril l’exposition L’Irrésolue, rassemblant des œuvres de Nadia Belerique, Camille Brée, Éléonore Cheneau, Joanna Piotrowska, Leslie Thornton, et Céline Vaché-Olivieri.
Les œuvres des six artistes se déploient sur les 600 mètres carrés de surface et la demi-douzaine de pièces du Plateau, espace créé en 2002 pour mettre en lumière la création contemporaine. À travers “un titre délibérément irrésolu lui-même”, indique la commissaire de l’exposition Anne-Lou Vicente, cette mosaïque créative qui réunit photographie, film, peinture, sculpture, installation, et intervention in situ se fait “espace intermédiaire, en suspens, en flottement”, où coexistent “le visible et l’invisible, ce qui paraît à la surface et ce qui peut se cacher à l’intérieur”. En jouant “sur la polysémie visuelle, sémantique”, les artistes s’attachent également à “déclencher une puissance imaginaire”, qui se fait parfois “puissance politique”.
La première grande pièce du plateau accueille Seeing Double, assemblage de “boîtes” de Céline Vaché-Olivieri. Ces “cartons récupérés dans la rue”, solidifiés par un travail créatif autour “des strates, des couches” des matériaux, apparaissent figés dans un défilé immobile sur “une grande table en plexiglas rappelant un tapis roulant”, explique la plasticienne. À leurs côtés figurent une série de peintures d’Éléonore Cheneau, “seule artiste dont les œuvres sont ainsi disséminées à travers l’exposition” : ces créations ont en commun un processus “de non fixité, d’instabilité des pièces, amenées à évoluer”. L’artiste, qui a pour habitude de travailler à “plusieurs tableaux en même temps”, guidée “par une intention, des gestes qui se font puis s’arrêtent”, précise ainsi que ces derniers sont baptisés d’après “les dates du premier et du dernier geste” effectués.
Avec Spare Rooms, Camille Brée découpe l’espace pour questionner “la matérialité de la lumière”
Une seconde série de Céline Vaché-Olivieri, Words of Fire, leur fait suite. Ces carreaux de faïence, carrelage réémaillé évoquant là encore l’idée des strates, forment “une séquence qui va être modifiée” au fil de l’exposition. Ils composent ainsi “quatre versions d’un texte”, constitué de mots “trouvés” par l’artiste “dans ce qui l’entoure, dans ce qu’elle lit”, faisant écho les uns aux autres. Ces ouvertures poétiques se poursuivent avec le diptyque de Camille Brée, Spare Rooms. L’artiste a procédé à “la découpe de deux murs” du Plateau afin de créer de fines ouvertures, laissant échapper “une lumière rouge qui émane de l’intérieur”. Faites spécifiquement pour le lieu et ses “entre-deux murs”, ces interventions donnent vie à “des espaces dans lesquels on ne peut pas rentrer sinon par l’imagination, par la pensée”. Considérant ces éléments comme “une sorte de tunnel”, la plasticienne voit son œuvre “traverser l’espace” et questionner “la matérialité de la lumière”.
On retrouve comme étonnantes voisines de ces “espaces interstitiels” les humane traps à souris et autres créations miniatures de Nadia Belerique. Ces dernières évoquent “les lieux dans lesquels nous vivons, qu’il s’agisse de maisons, de villes, de communautés”, explique l’artiste, qui voit dans ces groupements de pièces la formation “de petits récits, de poèmes, dans une démarche qui se rapproche du langage”. Elles ne sont également pas sans produire “un sentiment de rétrécissement et de confinement, comme dans un aquarium, un berceau pour nos corps”. Cette analogie enfantine se retrouve par ailleurs dans la salle de projection adjacente avec le court métrage Jennifer, Where Are You ? de la vidéaste Leslie Thornton, qui “interroge le rapport à l’artifice et à la mascarade”.
Avant-goût de son exposition personnelle au BAL, une salle consacrée au travail de la photographe Joanna Piotrowksa
La dernière pièce du Plateau est dédiée aux œuvres de Joanna Piotrowska et notamment à sa série Enclosures, des photographies argentiques en noir et blanc représentant “des cages de zoos, mais où l’animal est hors champ”. Ces espaces, “conçus par l’homme à son image, reflètent la violence de l’humain envers l’animal”, explique Anne-Lou Vicente, décrivant la froideur et la dureté de ces images. Comme dans l’œuvre de Nadia Belerique, ces pièces questionnent “l’idée de la maison, apparaissant ici comme un piège qui peut se refermer sur nous”. Cette critique frontale “de la domination, de la captivité” se renforce à travers le film Animal Enrichment, où “des femmes jouant avec des objets destinés aux animaux” font tout à la fois écho “au quotidien domestique, à l’habitat artificiel, et à un certain fétichisme”, indique la commissaire de l’exposition.
Le travail de la photographe Joanna Piotrowska fera bientôt l’objet d’une exposition personnelle au BAL (18e arrondissement) pour “la première présentation d’envergure de son travail en France”. Prévue du 16 février au 21 mai prochain, elle réunira des œuvres issues des séries Frowst, Frantic, Self-Defense, ainsi que des clichés et films inédits. En prévision de cet événement, la dernière salle de L’Irrésolue est déjà l’occasion d’en découvrir un avant-goût prometteur.
L’Irrésolue
Du 26 janvier au 23 avril
Mercredi à dimanche : 14h-19h (Nocturne chaque 1er mercredi du mois)
Entrée libre
Frac Île-de-France – Le Plateau
22 rue des Alouettes, 75019 Paris
www.fraciledefrance.com
– Notre guide des expositions à découvrir en janvier 2023 dans l’est parisien –
Photographie d’illustration (recadrée) : Tirée d’Animal Enrichment, 2019 Film 16mm HD (still)
Joanna Piotrowska – Courtesy de l’artiste et de la galerie Phillida Reid, Londres
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