Premières lueurs d’espoir pour le projet de rachat du cinéma indépendant La Clef ?

Un mois après leur expulsion du cinéma qu’elles occupaient depuis septembre 2019, et après le retrait de l’offre de rachat contestée du groupe SOS, les équipes de La Clef Revival ont réuni des centaines de soutiens ce lundi à la bourse du Travail (11e) à l’occasion d’une conférence publique sur l’avancée du projet de reprise du lieu.

Malgré l’intervention des forces de l’ordre du 1er mars et son évacuation redoutée de longue date, le cinéma associatif indépendant La Clef (5e arrondissement) n’a pas dit son dernier mot. Après une avalanche de critiques sur ses méthodes et ses appétits envers les acteurs de l’économie sociale et solidaire, le groupe SOS, qui avait l’intention de racheter le lieu, a finalement jeté l’éponge. Le propriétaire de l’adresse de la rue Daubenton, la CFE-CGC “à la tête du comité d’entreprise de la Caisse d’Épargne” en Île-de-France, serait désormais “prêt à étudier le projet” de rachat des équipes de bénévoles qui ont animé la salle avec succès pendant près de deux ans et demi.

Regroupé autour du fonds de dotation La Clef Revival, les militantes et militants cinéphiles ont présenté ce lundi leur proposition de reprise devant une salle comble rassemblant plusieurs centaines de personnes. “Un projet solide, dans un esprit collectif et inclusif, avec des ateliers gratuits et ouverts à tous” autour de la création et de la diffusion cinématographique. Les anciens bénévoles, qui ont depuis été accueillis dans de nombreux lieux parisiens afin de poursuivre leur combat pour La Clef à travers de nouvelles projections (DOC dans le 19e, La Flèche d’Or dans le 20e…), ont commencé par saluer “le soutien incroyable du monde professionnel” : des salles indépendantes aux personnalités du cinéma, un certain nombre d’entre elles ayant pu exprimer leur solidarité lors de la dernière cérémonie des César du 25 février.

L’actrice Irène Jacob a pris la parole au nom des professionnelles et professionnels (Société des réalisateurs de films, Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, Collectif 50/50), décrivant “un lieu d’avant-garde, incontournable pour la création et la diffusion cinématographique de demain”. Au cours de son occupation par un collectif entre septembre 2019 et le 1er mars dernier, le cinéma du Quartier latin a pu accueillir près d’un millier de séances. Aux côtés des bénévoles expulsés, l’actrice a rappelé que les syndicats professionnels avaient eux aussi “sollicité le soutien du ministère de la Culture et de la mairie de Paris”, qui n’étaient pas intervenus dans les temps pour empêcher les velléités de reprise du cinéma par le groupe SOS pour 4,2 millions d’euros, et ce en dépit d’une “exceptionnelle mobilisation”.

En opposition à l’offre de “l’entreprise sociale” fondée et dirigée par Jean-Marc Borello, également délégué général adjoint du parti La République en Marche, accusée de “récupération des luttes bénévoles à des fins de profits”, les ex-occupantes et occupants de La Clef souhaitent plus que jamais “lutter pour qu’existe au cœur de Paris un espace ouvert, indépendant”. Le fonds de dotation Cinema Revival, lancé au cours de l’occupation en 2021 afin d’amorcer une possible reprise, a recueilli à ce jour près de 130 000 euros de contributions, venus de 2 000 donatrices et donateurs. Une belle performance, qui demeure cependant bien loin des 4 millions d’euros aujourd’hui demandés par le propriétaire, le CSE de la Caisse d’Épargne Île-de-France.

Selon Bernard Dantec, élu CGT au sein de cette dernière et présent ce lundi dans les premiers rangs de l’assemblée, le lieu serait en réalité “estimé à 1,5 millions d’euros”. Il a ainsi dénoncé une surévaluation intéressée, et la volonté des responsables du groupe bancaire d’effectuer une plus-value sur une adresse culturelle. “J’ai honte de ce qu’il s’est passé le 1er mars dernier [avec l’expulsion], honte de voir que ces gens n’ont qu’une vision économique des choses”, a estimé le syndicaliste, qui préfère se montrer prudent. “Je garderais toute réserve concernant les engagements des uns et des autres”, a-t-il conclu.

Si les équipes de La Clef Revival ont annoncé que le CSE de la Caisse d’Épargne d’Île-de-France avait enfin accepté “une proposition de rencontre pour le projet de rachat”, les bénévoles sont conscients des efforts restant à accomplir pour rassembler les fonds nécessaires et convaincre définitivement le propriétaire. Le coût des seuls travaux nécessaires représenterait ainsi près de 300 000 euros. Après l’appel aux dons populaires, c’est vers des mécènes plus ou moins fortunés que se tournent notamment les anciens occupants du lieu. La contraction d’un “prêt de 1,5 millions” serait par ailleurs à l’étude auprès d’une banque. Des “signes positifs” ont de plus été observés du côté de la région Île-de-France, mais aussi, enfin, à la mairie de Paris.

Trois élues parisiennes engagées pour la culture étaient d’ailleurs présentes dans l’auditorium pour soutenir le projet : les conseillères de Paris Raphaëlle Primet (PCF), Raphaëlle Rémy-Leleu (EELV), et Danielle Simonnet (LFI). “La mairie de Paris cessera-t-elle son double langage pour aider enfin au rachat ?”, s’interroge cette dernière, dont le vœu a été rejeté lors de la récente séance du conseil de Paris au profit d’un texte de soutien plus minimaliste approuvé par la majorité. Estimant que “la possibilité de sauver ce cinéma existe”, l’élue insoumise appelle de nouveau la ville à “honorer ses engagements”. Pas moins de quinze vœux ont été présentés dans l’assemblée parisienne depuis les débuts de l’occupation de La Clef, jusqu’à présent sans résultats notables.

“La campagne de financement continue”, rappellent les équipes de La Clef, en précisant les contours du projet présenté aux potentiels mécènes et soutiens financiers. Maintien du Studio 34, “espace de création et d’apprentissage”, programmes d’éducation à l’image, café associatif, possible location des espaces de travail, amélioration de l’accès aux personnes handicapées, mise à disposition des scènes pour des ateliers… De nombreuses options ont été évoquées pour compléter à long terme les revenus de la billetterie à prix libre, qui représenterait près de 40% des ressources du lieu. Au cours de son occupation, le ticket moyen atteignait 4,5 euros, le cinéma associatif se distinguant ainsi par son accessibilité, à contre-courant des tarifs aujourd’hui pratiqués par les grands réseaux de salles.

Promettant “une programmation de films qui s’inscrivent dans l’histoire de ce lieu, avec des créations différentes, indépendantes”, les équipes de La Clef se sont également félicités de renforts de tout premier plan, avec l’entrée au conseil d’administration de Cinema Revival du directeur du Reflet Médicis Jean-Marc Zekri, et de la réalisatrice Céline Sciamma. S’adressant aux jeunes bénévoles qui ont fait vivre l’adresse pendant deux ans et demi, l’artiste a estimé “qu’être témoin, ce n’est pas être passif. Vos idées ont le plus beau des futurs si on les laisse advenir !”

 

Appel aux dons pour le projet de reprise de La Clef

 

 

La Clef
34 rue Daubenton, 75005 Paris
laclefrevival.com

 

Photographie : Les équipes de La Clef Revival à la bourse du Travail – Paris 11e
© Paris Lights Up

 

 

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