Le Conseil constitutionnel annule les résultats de la législative partielle de 2021 dans le 20e

Dans une décision rendue vendredi 28 janvier, les membres du Conseil constitutionnel considèrent que l’usurpation du logo de La République en Marche et l’utilisation d’une fausse identité par un candidat de dernière minute ont été « de nature à altérer la sincérité du scrutin » des 30 mai et 6 juin 2021 dans la 15e circonscription de Paris.

Saisie dans les jours qui ont suivi le second tour par un électeur local et le candidat malheureux François-Marie Didier (LR), l’institution aujourd’hui présidée par l’ancien Premier ministre Laurent Fabius a rendu une décision aussi lourde de conséquences qu’inattendue pour bien des observateurs de la vie politique. « Les opérations électorales qui ont eu lieu dans la 15e circonscription de Paris sont annulées » et Lamia El Aaraje (PS), élue en 2021, n’est plus députée de la circonscription – déjà candidate à sa réélection avant cette annonce, elle tentera de retrouver son siège en juin prochain. Une nouvelle fois, et pour les cinq prochains mois, la majeure partie des habitantes et habitants du 20e arrondissement ne sera plus représentée à l’Assemblée nationale.

L’imbroglio actuel est le fait d’un seul homme, Jean-Damien de Sinzogan, jusqu’alors inconnu de la politique parisienne, venu s’inscrire dans la dernière ligne droite pour le scrutin de 2021. Au grand étonnement des états-majors des formations locales, car ne se contentant pas de se prévaloir du soutien du parti présidentiel avec « sur ses bulletins de vote, en gros caractères et dans un bandeau de couleur, la mention ‘La République En Marche' » (LREM), le candidat s’était également renommé « Jean de Bourbon » sur le matériel électoral… Les équipes de plusieurs candidats assuraient alors avoir protesté auprès des services préfectoraux concernés, qui avaient finalement refusé le retrait des bulletins le jour du vote.

« Hurluberlu » pour Lamia El Aaraje, « candidat clown » pour François-Marie Didier, Jean-Damien de Sinzogan a été déclaré inéligible pour une durée de trois ans. Le Conseil constitutionnel considère que ses « manœuvres frauduleuses » ont bien « eu pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ». En septembre dernier, il avait par ailleurs récidivé en se portant candidat pour les élections sénatoriales des Français de l’étranger, usurpant de nouveau le soutien de LREM.

Lors du premier tour du scrutin du 30 mai 2021, marqué par une forte abstention, le « faux candidat » LREM avait obtenu 449 voix, soit 3,85% des suffrages exprimés. Le parti de la majorité présidentielle s’était en réalité abstenu de présenter une candidature dans la circonscription, et avait publié un démenti la veille. Pour soutenir sa décision, le Conseil constitutionnel cite le « faible écart de 266 voix ayant séparé » la candidate LFI Danielle Simonnet, arrivée en seconde positive et qualifiée pour le second tour avec 20,9% des suffrages, et le représentant LR François-Marie Didier (18,62%). La conseillère de Paris Antoinette Guhl (EELV) avait par ailleurs obtenu 18,53% des voix – seulement onze de moins que le chef de file du groupe conservateur Changer Paris dans le 20e.

Proche de la maire de Paris, Lamia El Aaraje avait obtenu 25,82% des suffrages au premier tour et remporté le second avec 56,56% des voix face à Danielle Simonnet (43,44%), conservant la seule circonscription socialiste de la capitale après le raz-de-marée macroniste de 2017. « Il est difficile de ne pas ressentir ce soir un sentiment d’injustice », a réagi la conseillère de Paris dans un communiqué publié vendredi 28 janvier, jugeant que la décision du Conseil constitutionnel est le résultat de « l’inconséquence d’un seul homme ».

« Possible victime de cette manœuvre qui pouvait détourner un vote en ma faveur à son profit, j’avais dénoncé ces faits auprès de la préfecture de région, responsable de la bonne tenue de ces élections, qui a pourtant validé sa candidature et autorisé la mise en place de ses bulletins dans les bureaux de vote », poursuit Lamia El Aaraje. Dénonçant une décision « ouvr[ant] la voie à une jurisprudence qui permettra à toute personne se présentant sous une fausse étiquette politique d’entacher la sincérité du scrutin et de mettre en cause des candidats qui ne sont liés ni de près ni de loin à de telles ‘manœuvres frauduleuses' », l’élue du 20e appelle à « modifier le droit électoral afin que les préfectures puissent contrôler la conformité des étiquettes politiques déclarées par chaque candidat ».

Danielle Simonnet, également conseillère de Paris du 20e arrondissement, « prend acte de la décision du Conseil Constitutionnel d’annuler l’élection législative de la 15e circonscription de Paris », évoquant « une jurisprudence importante qui sanctionne l’usurpation de sigle ». Publiée sur Twitter, sa déclaration se conclut sur les mots « Rendez-vous en juin prochain ! », laissant entrevoir une nouvelle candidature de la représentante insoumise dans cette même circonscription.

« Je me réjouis de cette décision qui va dans le bon sens : le respect des élections, des électeurs, et des candidats. C’est pour ça que j’avais fait ce recours », a quant à lui réagi François-Marie Didier, interrogé par Le Parisien. Cet autre conseiller de Paris élu dans le 20e sera également de nouveau candidat dans la circonscription en juin prochain. L’écologiste Antoinette Guhl et le communiste Thomas Roger, quatrième et cinquième du premier tour du scrutin de 2021, n’avaient pas réagi ce samedi matin. Leurs partis respectifs n’ont pas encore officialisé de candidatures pour les élections législatives de juin 2022.

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Législatives 2022 : Qui sont les candidates et candidats investis dans les circonscriptions de l’est parisien ?

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Photographie d’illustration : Panneaux électoraux pour le second tour de l’élection législative partielle du 6 juin 2021 à Paris
© Paris Lights Up

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