Encadrement des loyers : près de 35% des annonces sont dans l’illégalité à Paris

D’après le premier baromètre de l’Observatoire de l’encadrement des loyers à Paris publié par la fondation Abbé Pierre, les appartements de surface modeste sont les premiers concernés par les dépassements de loyers, qui atteignent en moyenne 196 euros par mois.

La fondation pour le logement des défavorisés, qui a pu “analyser des milliers d’annonces immobilières consultées en ligne et mesurer le degré de respect de l’encadrement des loyers parisiens” en lien avec la ville de Paris, a dévoilé le 29 novembre dernier des “premiers résultats inquiétants”. La première édition de l’Observatoire de l’encadrement des loyers à Paris démontre que “35% des [15 000] annonces publiées entre août 2020 et août 2021 dépassent les plafonds de loyer autorisés par la loi (c’est-à-dire qu’ils dépassent de 20% le loyer médian). Ce dépassement est en moyenne de 196 euros par mois. Ainsi, des milliers de ménages parisiens qui pourraient économiser environ 2 000 euros par an si la loi était appliquée en sont privés”.

Mis en œuvre à Paris depuis le 1er juillet 2019, l’encadrement des loyers est observé “de manière très inégale”. Selon Manuel Domergue, directeur des études auprès de la fondation Abbé Pierre, “les recours des locataires face à ces abus sont rares, soit par méconnaissance, soit par crainte de représailles des propriétaires.”. Pour rappel, les propriétaires contrevenants s’exposent à une amende pouvant atteindre 15 000 euros pour une personne morale, et 5 000 euros pour une personne physique. L’application de l’encadrement doit être assurée par les services de la préfecture de région.

Trop peu de locataires ont connaissance de la procédure et reculent souvent face à l’ampleur administrative et judiciaire. En juin 2021, la Commission Départementale de Conciliation (CDC) avait ainsi reçu 116 signalements. Parmi eux, 75 dossiers ont été instruits, et seulement neuf amendes ont été notifiées aux bailleurs, pour des montants n’excédant jamais les 1 500 euros, soit une somme inférieure au plafond prévu par la loi”, constate le baromètre de l’Observatoire, qui appelle notamment les pouvoirs publics à mettre en place “une large communication autour des droits des locataires”.

“Les petits logements sont aussi ceux qui dépassent le plus fréquemment les plafonds de loyer, au détriment de leurs locataires”, précise cette étude. Ainsi, “47% des logements de moins de 30 mètres carrés” ne respectent pas les clauses de la loi ELAN de 2018, qui encadre le dispositif de contrôle expérimenté depuis deux ans à Paris. “Cela signifie qu’une application plus efficace de l’encadrement profiterait le plus aux occupants de petits logements, qui sont principalement des jeunes, des étudiants, des célibataires, et des ménages modestes”, poursuit la fondation Abbé Pierre.

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Extrait du premier baromètre de l’Observatoire de l’encadrement des loyers à Paris portant sur 15 000 annonces publiées entre août 2020 et août 2021 – Fondation Abbé Pierre

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Dans l’est parisien, les quartiers où l’on dénombre le plus grand pourcentage d’annonces illégales sont Saint-Ambroise (11e arrondissement, 51%), les environs du canal Saint-Martin (10e et 11e), Bel-Air (12e), et les abords des Buttes-Chaumont (19e). Le Marais figure également parmi les quartiers où les dépassements de loyers apparaissent les plus fréquents, avec 45% d’annonces abusives recensées sur le territoire du 4e arrondissement.

Les écarts s’avèrent particulièrement importants selon les plateformes de location et réseaux d’agences immobilières concernés. Le baromètre précise ainsi que “les annonces de Guy Hoquet sont non-conformes pour 33% d’entre elles, lorsque Foncia n’en recense que 7%. Si certaines agences font apparaître des taux de non-conformité relativement faibles, nous sommes cependant en droit d’attendre de professionnels de l’immobilier qu’ils s’assurent que leurs clients respectent scrupuleusement la loi”. Du côté des sites d’annonces, les dépassements constatés atteignent 21% des biens chez Logic-Immo, 22% chez Leboncoin, et 23% sur le portail de la Fnaim, et représentent 52% des offres sur Facebook et 54% de celles présentes sur Pap.fr.

Pour Ian Brossat, adjoint (PCF) à la maire de Paris en charge du logement, “le problème, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de contrôles, il n’y a pas suffisamment de sanctions”. Regrettant sur le plateau de BFM Paris que ces dernières soient à la fois trop peu nombreuses et “financièrement trop faibles”, il s’est adressée à la ministre du logement Emmanuelle Wargon pour lui demander de “permettre aux villes qui le souhaitent, pas seulement Paris, d’effectuer ces contrôles et de sanctionner derrière les propriétaires qui ne respectent pas l’encadrement des loyers. Vous ne le faites pas, laissez-nous faire, ce sera plus efficace”.

Les résultats de l’Observatoire de l’encadrement des loyers ont été confirmés par une enquête parallèle menée par Le Monde à partir de 8 753 annonces du site SeLoger.com. Publiée ce dimanche, elle indique que les dépassements des plafonds de loyers concernent près de 37% des biens en location à Paris, et 43% en proche Seine-Saint-Denis. Le périmètre de cette autre étude comprend les territoires Plaine Commune, où l’encadrement des loyers est effectif depuis le 1er juin 2021, et Est Ensemble. Les neuf communes de ce dernier établissement public du nord-est parisien (Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, et Romainville) ont quant à elles rejoint le dispositif d’encadrement des loyers ce 1er décembre. La mesure s’applique toutefois uniquement aux baux signés à partir de cette date.

En vue de faire respecter la loi, la fondation Abbé Pierre recommande de “mobiliser les locataires pour les inciter à engager des recours face à leurs bailleurs, grâce à l’action des associations et acteurs publics comme la CAF ou l’ADIL. Enfin, les sanctions doivent être effectives avec des amendes dressées par la préfecture, laquelle devrait être beaucoup plus réactive sur ce sujet face aux bailleurs indélicats”. De nouveaux outils ont par ailleurs été développés à l’attention des locataires et des personnes souhaitant le devenir : lancée en décembre 2019 avec le soutien des villes de Lille, Lyon, et Paris, l’application Encadrement permet ainsi de “vérifier si les annonces sont conformes ou non à la loi de l’encadrement des loyers”.

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Photographie : Rue Alibert / Rue Mare et Louise / Rue Bichat – Paris 10e
© Paris Lights Up

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