Ménilmontant : Nouvelle fermeture administrative pour le Saint-Sauveur, qui dénonce un “harcèlement” de nature politique

Le Saint-Sauveur, bastion de l’antifascisme parisien depuis près de quinze ans, a annoncé ce week-end être frappé d’une nouvelle fermeture administrative décidée par la préfecture de police. Ses équipes dénoncent une “volonté, à peine voilée, de voir fermer définitivement le bar pour tout ce qu’il représente”.

Le sort continue décidément de s’acharner sur les responsables du Saint-Sauveur depuis le début de cette année 2020. Après une première fermeture administrative de neuf jours en janvier, des clientes et clients du bar avaient lâchement été agressés par un groupe de fascistes le 4 juin dernier — une date correspondant aux commémorations du meurtre du jeune militant antifa Clément Méric il y a sept ans.

Notifiée le 13 août dernier par “trois policiers de la BAC du XXème arrondissement”, cette décision est un nouveau coup dur pour le Saint-Sauveur et sa situation économique “après les presque trois mois de fermeture imposée parce que nécessaire par la crise sanitaire”. L’équipe du bar estime ainsi que le commissaire du XXème veut nous achever en nous fermant deux semaines… Cette volonté […] devient évidente lorsque l’on se penche sur les motifs invoqués”.

“Concrètement, le Saint-Sauveur est tenu pour responsable d’à peu près tout ce qui peut se passer sur la place située devant le bar. Place que nous partageons avec plusieurs autres établissements (plusieurs bars, une épicerie de nuit et un restaurant…). Ainsi donc, nous sommes sanctionnés parce qu’il y avait trop de monde dans la rue le soir de la Fête de la musique (oui, il y avait du monde partout dans Paris ce soir là, les journaux télévisés s’en sont émus). On nous reproche également la présence de tables et de chaises sur le trottoir d’en face (oui, oui, [il s’agit] de la terrasse provisoire qui nous a pourtant été accordée comme à tous les bars de Paris après le confinement pour nous aider !).

On nous reproche le fait que les jeunes du quartier aient fait un barbecue sur la place le 21 juin (ils le font depuis toujours le soir de la Fête de la musique…). On nous reproche d’avoir organisé une vente de t-shirt à emporter le 28 mai (fermés depuis le 14 mars, nous avions désespérément besoin de trésorerie).

Et le meilleur pour la fin. Comme vous le savez probablement, nous avons été victime d’une attaque en règle par un groupuscule d’une vingtaine de tarés néo-nazis le 4 juin dernier, jour de la réouverture officielle et veille du septième anniversaire de la mort de Clément. Et bien, la préfecture nous reproche une “rixe dans et aux abords de votre établissement”. Vous ne rêvez pas. Nous devenons responsables de l’agression dont nous avons été victime !

Vous l’aurez compris, la préfecture est en mission. Le Saint-Sauveur et ses positions politiques assumées, les valeurs antifascistes qu’il véhicule à travers les soirées politiques qu’il organise, son mode de fonctionnement dérangent.

Bien sûr, nous ne baissons pas les bras, bien sûr nous allons essayer de continuer, mais cette nouvelle fermeture de deux semaines risque de nous achever car, pour traverser la fermeture covid, le Saint-Sauveur comme nombre d’autres bars a dû s’endetter, rendant sa situation financière encore plus fragile qu’avant… Nous sommes dépités et fatigués face à une situation qui nous semble sans issue. Il faut que ce harcèlement cesse. Nous vous tiendrons informés des initiatives que nous allons devoir prendre pour surmonter cette situation critique.”

 

Après cette décision, comment ne pas établir un parallèle avec le traitement étonnamment docile accordé aux groupuscules fascistes de la part de cette même préfecture de police ? Où en sont les procédures visant à neutraliser une fois pour toutes les “zouaves” parisiens, petites frappes décérébrées qui n’hésitent pas à attaquer en groupe des jeunes femmes au manche de pioche ? Quelles suites ont été données à la gestion honteuse des forces de l’ordre lors de la manifestation contre le racisme du 13 juin dernier, avec l’indulgence complice dont ont bénéficié les miliciens identitaires — qui ont eu tout le temps nécessaire pour conduire leurs provocations avant d’être escortés par la police ?

Faisant désormais de la politique sans même s’en cacher, le préfet de police de Paris Didier Lallement démontre une nouvelle fois qu’il n’est “pas dans le même camp” que les antifascistes parisiens. Après ses récentes provocations au conseil de Paris, ce sabre-peuple aux airs ridicules, qui pense pouvoir compenser ses propres insuffisances en arborant une casquette surdimensionnée, continue de faire passer ses objectifs personnels avant tout sens de l’État.

Si cette dérive n’a malheureusement rien de surprenante dans le cas isolé de ce sinistre personnage, c’est surtout la tolérance grandissante et généralisée du paysage politique et médiatique à l’égard des mouvements fascistes et des personnalités d’extrême droite qui inquiète aujourd’hui. Leurs éditorialistes se succèdent sur les plateaux de télévision, le président de la République leur passe même quelques coups de fil bienveillants, et tandis qu’on laisse se former des milices racistes, les moyenâgeux du Puy-du-Fou bénéficient de dérogations qui ne cessent de choquer un monde de la culture au bord du précipice.

On commémore en ce mois d’août la Libération de la France et de Paris durant la seconde guerre mondiale : il serait grand temps de se souvenir de quel côté étaient alors les antifascistes. Car pendant que la police française déportait des enfants par milliers vers les camps de la mort, l’honneur de la France et l’honneur de Paris, c’étaient bien ces femmes et ces hommes qui sacrifièrent leurs vies pour lutter contre l’occupant nazi. L’antifascisme reste gravé sur les murs de la capitale, ses héros immortalisés sur toutes ces plaques que l’on fleurit encore à chaque mois d’août. Nombre de ces résistantes et résistants avaient à peine 18 ans : l’âge de Clément Méric lorsqu’il fut assassiné par l’extrême droite.

 

 

 

Le Saint-Sauveur
11 Rue des Panoyaux, 75020 Paris

 

Photographie d’illustration © Le Saint-Sauveur

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