Un rassemblement en mémoire de Saba, assassinée en pleine rue dans le nord du 19e arrondissement

Un rassemblement s’est déroulé ce vendredi après-midi près des lieux où Saba M., femme de 51 ans, a été rouée de coups par un homme le 8 novembre dernier. D’après le collectif #NousToutes, qui organisait aujourd’hui une grande manifestation contre les violences sexistes, elle est la 120e victime de féminicide de l’année.

Plus de cinquante personnes étaient présentes à l’intersection du jardin promenade Cesária Évora et du canal Saint-Denis (19e arrondissement) en mémoire de Saba M., décédée le 11 novembre dernier à l’hôpital Lariboisière (10e), trois jours après une brutale agression. Son assaillant, un homme âgé de 34 ans, lui avait porté près d’une vingtaine de coups de pied “d’une extrême violence” avant de prendre la fuite. Survenue “un peu avant 6 heures du matin”, l’attaque a été filmée par des caméras de vidéosurveillance. D’après une “source proche du dossier” citée par le Parisien, ces dernières font également apparaître “deux employés de la ville de Paris qui assistent à la scène sans appeler les secours ou intervenir”.

Victime d’addiction au crack, drogue qui demeure un fléau visible dans certaines rues du nord de l’arrondissement depuis des années, Saba M. se prostituait. Les enquêteurs sont parvenus à retrouver son agresseur grâce au témoignage d’un commerçant de la rue Cesária Évora, où a eu lieu l’attaque fatale. Arrêté à son domicile après l’analyse de la plaque d’immatriculation de son véhicule, qui aurait également transporté sa victime avant les faits, leur auteur présumé a admis lors de sa garde à vue avoir asséné les coups mortels. D’après les images de vidéosurveillance, il aurait également fouillé les poches de la femme mise à terre après son agression. L’homme a été mis en examen par un juge d’instruction, et incarcéré le 11 novembre dernier pour “tentative d’homicide volontaire”.

Plusieurs élus Europe Écologie – Les Verts (EELV) présents au rassemblement

Trois jours après la médiatisation du décès de Saba M., les équipes de collectifs et d’associations avaient tenu à organiser un événement pour honorer le souvenir de la victime, mais aussi rappeler plus généralement l’insuffisance des politiques publiques de lutte contre les violences masculines, en particulier dans le cas des personnes prostituées. Des représentantes et représentants de Médecins du Monde, d’Amnesty International, et de l’association STRASS (Syndicat du travail sexuel) étaient notamment présents, aux côtés d’une demi-douzaine d’élus écologistes parisiens, dont David Belliard, adjoint à la maire de Paris chargé des transports, ainsi qu’Anne Souyris, adjointe à la santé publique et à la réduction des risques. La députée EELV de Paris Sandrine Rousseau était par ailleurs la seule parlementaire sur place.

“La colère au ventre”, la porte-parole du STRASS Amar Protesta s’est exprimée la première au mégaphone afin de rappeler les faits, précisant que “Saba venait à Paris pour travailler et qu’elle n’avait pas de logement pour recevoir ses clients”. Dénonçant la législation et l’attitude des pouvoirs publics, elle a estimé que “nous sommes confrontés sans cesse à ce silence assourdissant. Le silence de la police, le silence de la justice, le silence de la mairie. Nous l’avons bien compris depuis tant de temps, après tant de mobilisations, tant d’interpellations, de rassemblements : le meurtre d’une travailleuse du sexe est un non sujet. Nous sommes des mortes invisibles, des mortes qui ne méritent ni enquête, ni secours, ni justice. Notre communauté, perpétuellement endeuillée, est en lutte contre ce silence.”

Des problématiques bientôt évoquées à l’Assemblée nationale ?

Indiquant que “18 travailleuses du sexe [sont] décédées depuis 2018”, et que “1 200 faits de violence” avaient été signalés dans ce cadre pour la seule année 2021, Amar Protesta a appelé à “des approches pragmatiques” et “une réponse concrète” des autorités, citant en particulier les cas de la loi de 2016 “visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel” et les arrêtés municipaux en vigueur. Les critiques de la législation actuelle alertent régulièrement quant aux risques d’une précarisation et un isolement accrus, rendant plus difficiles d’éventuels recours au soutien des autorités. Le meurtre de Vanesa Campos, abattue à l’âge de 36 ans par un groupe d’hommes armé au bois de Boulogne en août 2018, avait déjà mis en lumière la vulnérabilité de populations surexposées aux violences sexistes et sexuelles. En juin dernier, une agression au couteau avait ciblé une occupante d’une camionnette garée dans ce même bois.

“La mort de Saba devrait véritablement créer une onde de choc et pousser les pouvoirs publics, les autorités françaises, à véritablement impliquer les travailleurs et les travailleuses du sexe pour toutes les lois, les pratiques, et les politiques qui les concernent, notamment sur le droit à la vie et sur leur sécurité”, a pour sa part jugé Sébastien Tüller, responsable des droits des personnes LGBTQI+ pour Amnesty International. Évoquant la mort “inacceptable” de Saba M., “qui fait partie des personnes les plus discriminées de la société”, Sandrine Rousseau a précisé que la possibilité d’un vote autorisant un rapport parlementaire sur les conséquences de la loi de 2016 était à l’étude, suite à des “discussions informelles avec un ministre”. D’après l’élue de la 9e circonscription de Paris, une telle décision serait “la première étape qui nous permettrait de déposer une proposition de loi afin de faire évoluer les choses”. Pour la députée, “ce n’est que le début d’un long processus”.

 

 

 

 

Photographies : Intersection du jardin promenade Cesária Évora et du quai de la Gironde – Paris 19e
© Paris Lights Up

 

 

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