« MATCH ! », l’amour à l’ère du numérique à découvrir jusqu’au 29 octobre au Théâtre de Belleville

L’autrice et comédienne Marilyne Lagrafeuil mêle tragique et comique pour interroger avec délicatesse les conventions amoureuses et leurs évolutions, dans une autofiction nourrie par ses expériences des rencontres en ligne et accompagnée par les reprises inspirées du multi-instrumentiste Sébastien Chadelaud.

C’est dans le décor épuré d’une salle de bal corrézienne, « lieu de fête et de solitude » réunissant à la fois « ceux et celles qui dansent, ceux et celles qui regardent », que l’on retrouve d’abord la jeune Marilyne. Pensée comme une « tragédie drôle », MATCH ! se dévoile en frise chronologique où se succèdent « attentes, espoirs, frustrations, addictions, déceptions » : un témoignage personnel aux observations pourtant universelles, à travers lequel les innocents projets enfantins de la comédienne seront rapidement confrontés aux réalités de la vie parisienne et de ses péripéties amoureuses.

La pièce est la seconde réalisation d’une trilogie imaginée par l’autrice, metteuse en scène, et interprète de la compagnie La sœur de Shakespeare, un projet qui « raconte la façon dont le monde contemporain bouleverse l’intime » grâce à l’exercice théâtral de l’autofiction. Des débuts des sites de rencontres en ligne avec Meetic jusqu’aux swipes de Tinder, en passant par les « séances de shopping » encouragées par Adopte un mec, Marilyne Lagrafeuil livre une prestation aussi touchante que grinçante pour dépeindre les révolutions des amours numériques, « thématique peu traitée artistiquement en dehors du stand-up ».

« J’ai voulu m’emparer de ce sujet et le traiter de manière sensible, sans a priori et jugement moral, en partant de ma propre expérience », explique l’artiste. Dans son récit aux constats quasi anthropologiques, Marilyne Lagrafeuil rend compte de « différentes expériences sociales » nées de ses échanges en ligne, comme si elle « enregistrait le monde en le vivant ». Pour elle, « c’est tout le contraire d’un travail sur soi. La valeur collective du “je”, c’est le dépassement de la singularité de l’expérience, des limites de la conscience individuelle qui sont les nôtres dans la vie, c’est la possibilité pour la spectatrice ou le spectateur de s’approprier le spectacle, de se poser des questions ou de se libérer ».

Bien plus qu’une simple description douce-amère des aléas et des affres des relations hétérosexuelles, MATCH ! interroge des thématiques qui touchent chacune et chacun d’entre nous : le poids des normes sociales et du temps qui s’écoule, le modèle écorné du couple contemporain, la douleur et la libération de la solitude… « Il s’agit de raconter la difficulté d’être vivante ou vivant, sa beauté aussi, les failles, le pathétique, un exercice de vérité possible seulement sur un plateau de théâtre », estime la comédienne, qui s’intéresse à « l’invention de nouvelles formes scénographiques ».

Au-delà de la justesse de son ton et de sa grande sensibilité, la pièce se distingue par ses intermèdes musicaux bienvenus, nés sous les accords de guitare ou de ukulélé de Sébastien Chadelaud, réincarné sous les traits d’un « chanteur de bal » qui se fait parfois le miroir masculin silencieux des aventures de Marilyne. De Joe Dassin à Amel Bent, avant une émouvante conclusion sur une mélodie de Dalida, ses reprises de chansons d’amour populaires permettent à la compagnie d’atteindre un double objectif, celui de « convoquer une mémoire collective et “dékitschiser” ces airs de variété pour faire entendre leur vérité ». Programmée du mercredi au samedi à 21h15, MATCH ! est une belle découverte à voir jusqu’au 29 octobre au Théâtre de Belleville (11e arrondissement), avant une tournée d’une dizaine de dates dans l’ouest de la France.

 

 

MATCH ! par la compagnie La sœur de Shakespeare
Jusqu’au 29 octobre – Mercredi à samedi : 21h15 – Durée : 1h10
26€/17€/11€
Réservations en ligne

 

 

Théâtre de Belleville
16 passage Piver, 75011 Paris
www.theatredebelleville.com

 

 

Photographie (recadrée) © Vincent Fillon

 

 

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