Accidents du travail : Chute mortelle d’un agent du nettoyage employé dans un Centre d’action sociale de la ville de Paris

Moussa Gassama, 58 ans, a perdu la vie le 5 mars dernier, deux semaines après une chute survenue alors qu’il nettoyait les fenêtres d’un Centre d’action sociale. Suite à ce drame, la CGT parisienne dénonce le recours à la sous-traitance et des “économies sur la sécurité”.

“Un salarié a perdu sa vie pour 11,29 euros bruts de l’heure”, se désole dans un communiqué l’union des syndicats cégétistes de Paris, “en deuil” après le décès de M. Gassama à l’hôpital de la Salpêtrière des suites de ses blessures. Au-delà de la question des bas salaires, généralisés dans ce secteur, l’organisation voit dans ce tragique événement l’une des conséquences de la popularité toujours croissante de “l’externalisation” chez les acteurs privés et comme ici publics, une pratique particulièrement répandue dans les domaines du nettoyage ou de l’hôtellerie-restauration.

“Au lieu d’employer directement des salariés, le Centre d’action sociale de la ville de Paris a choisi, comme la plupart des administrations publiques ou des sociétés privées, de sous-traiter le nettoyage de ses bâtiments afin de faire des économies”, estime la CGT. “L’entreprise sous-traitante qui employait Moussa Gassama est la société Maintenance Industrie. […] Elle a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 18,4 millions d’euros et un bénéfice de 463 600 euros”, poursuit le communiqué du syndicat.

“Cet accident mortel démontre une nouvelle fois que la sous-traitance imposée par les clients donneurs d’ordre, comme la ville de Paris et son Centre d’action sociale, met la vie des travailleuses et des travailleurs en danger tous les jours. Les marchés publics ont beau comporter un cahier des charges qui prescrit, sur le papier, les conditions de sécurité nécessaires et la “responsabilité sociale”, la réalité ressurgit parfois de manière dramatique”, jugent l’union départementale CGT de Paris, son collectif CGT parisien du nettoyage, et la CGT CASVP.

“Moussa Gassama aurait dû avoir une perche télescopique pour nettoyer ces vitres, pourquoi ne l’avait-il pas ? Pourquoi a-t-il utilisé un escabeau qui lui a valu la mort ?”, s’interroge la conseillère (LFI) de Paris Danielle Simonnet, qui considère que “puisque [le nettoyage] est un besoin permanent, ce devrait être internalisé”. L’élue insoumise s’accorde plus largement avec la CGT sur les salaires insuffisants des agents, le syndicat précisant que “si l’on en croit le site internet de Maintenance Industrie, le nettoyage des vitres est effectué par des agents très qualifiés de service (ATQS). Un salarié ATQS est rémunéré à 11,29 euros bruts, soit 57 centimes bruts de plus qu’un agent de service…”

Cet accident du travail a eu lieu dans le centre de la rue Stendhal, dans le 20e arrondissement. Une enquête de police a été ouverte. “La ville est évidemment mobilisée pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame”, a déclaré Antoine Guillou, adjoint (PS) à la maire de Paris en charge des ressources humaines, interrogé par Le Parisien. “Personne ne doit perdre sa vie à la gagner à cause de leur politique d’économie capitaliste pour les uns, et de réduction de coûts pour les autres. Nous serons vigilants sur l’enquête, sa transparence, sa conclusion et ses suites”, conclut pour sa part le syndicat.

Le collectif Accidents du Travail a déjà recensés 83 drames mortels de ce type, survenus sur les lieux de travail et mentionnés dans la presse, depuis le début de l’année 2022. Les chiffres officiels sont encore plus terribles : les plus récents, datant de 2019, font état de 730 décès dus aux accidents du travail en l’espace d’un an. Ces décomptes permet notamment de mettre en lumière la forte surmortalité observée dans de nombreux secteurs. Depuis un an et demi, au moins dix accidents graves, dont deux mortels, ont ainsi été dénombrés sur les chantiers des nouvelles lignes du métro francilien et des installations liées aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en Seine-Saint-Denis.

En 2018, Sabine Vorin, âgée de 59 ans et elle aussi employée du nettoyage, avait tragiquement perdu la vie suite à un arrêt cardio-respiratoire alors qu’elle travaillait seule dans la bibliothèque Couronnes – Naguib Mahfouz (20e). La CGT parisienne venait pourtant de sonner l’alarme quant à “l’isolement fréquent des femmes de ménage sur leur poste de travail”. Suite à ce drame, de graves accusations de harcèlement et de racisme avaient émergé à l’encontre de Didier C., directeur des services de la mairie du 20e arrondissement dès le premier mandat de la précédente maire Frédérique Calandra, nommée par le gouvernement “déléguée interministérielle à l’aide aux victimes” en août 2020.

 

 

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