Au Centquatre (19e), un mouvement de grève « spontané et collectif » pour de meilleurs salaires et conditions de travail

Les équipes du grand centre culturel du nord-est parisien ont entamé le 31 janvier dernier « une grève spontanée et reconductible visant à alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail » et dénoncer la stagnation des salaires.

Dans une pétition, les salariés mobilisés dénoncent « une charge de travail et un volume d’activité qui augmentent chaque année au point de dépasser les capacités des équipes et les infrastructures de l’établissement, conjugués à de bas salaires qui ne reflètent pas l’engagement des salariés permanents et intermittents. Depuis plusieurs années, la programmation artistique prolifique de l’établissement repose pour beaucoup sur une solidarité sans faille entre salariés, sur l’implication démesurée d’une équipe pourtant rompue aux cadences intenses et à encaisser la pression, quoi qu’il en coûte. ».

« Une bonne partie des employés a néanmoins le sentiment d’être arrivée à une situation où les temps de respirations entre les projets n’existent plus », poursuivent les grévistes. « Plus que jamais, les salariés ressentent de l’usure et une grande fatigue, tout en s’inquiétant devant le nombre croissant d’arrêts maladies, de burn-outs, et un turn-over démesuré considéré par la direction comme une preuve de dynamisme de l’établissement. »

Ouvert en 2008 sur le site de l’ancien service municipal des pompes funèbres, le Centquatre est dirigé par José-Manuel Gonçalvès depuis 2010. Ex-dirigeant de la Ferme du Buisson à Noisiel (Seine-et-Marne), il avait été nommé « à une écrasante majorité » par un conseil d’administration alors présidé par Christophe Girard, ancien adjoint à la culture de la maire de Paris, écarté de la majorité en 2020 en raison de sa proximité avec le pédocriminel Gabriel Matzneff, puis des accusations d’abus sexuels sur mineur le visant directement.

Le contrat du directeur avait été reconduit en 2016, une décision notamment motivée par une hausse de la fréquentation du Centquatre. L’Établissement public de coopération culturelle dispose aujourd’hui d’un budget annuel de 16 millions d’euros. La ville de Paris en finance près de 60%, le reste provenant de la location d’espaces, de la billetterie, ou encore du mécénat. Après deux années fortement perturbées par la crise sanitaire, la programmation du lieu de 25 000 mètres carrés a repris à un rythme sans précédent ces derniers mois : expositions, danse, théâtre, etc.. D’après les grévistes, le nombre de représentations a augmenté de 25% à 30% depuis septembre, sans pour autant entraîner d’embauches supplémentaires ou de coups de pouce salariaux.

« Si, sur cette saison culturelle, la suractivité s’explique en partie par les nombreux reports de spectacles dus à la pandémie de Covid-19 – faisant craindre aux équipes que cela ne devienne la nouvelle vitesse de croisière du Centquatre – il ne faut pas pour autant minimiser le surrégime que les salariés vivent de façon constante depuis de nombreuses saisons », expliquent ces derniers. Dénonçant « plusieurs années de dialogue social improductif », les équipes qui animent le lieu ont communiqué plusieurs revendications, à commencer par « une hausse de tous les salaires des permanents, une réévaluation du salaire des intermittents et des gratifications de stage, au regard de l’augmentation du coût de la vie ». D’après les informations de Libération, les salaires du Centquatre demeurent « plus bas que dans les autres lieux culturels comparables ».

Les grévistes appellent également à « une meilleure adéquation entre l’effectif de permanents et la charge de travail liée à la programmation, une pérennisation des postes de renfort et une limitation du recours aux contrats courts et précaires », ainsi qu’à une « meilleure reconnaissance du travail des équipes, passant notamment par l’attribution de primes exceptionnelles lors de saisons particulièrement intenses comme celle en cours ».

La mobilisation a obtenu l’appui d’une partie des élus de la capitale. Après une visite sur place en compagnie de la conseillère de Paris (PCF) du 19e arrondissement Camille Naget, sa camarade Raphaëlle Primet a pris la parole ce jeudi dans l’assemblée parisienne pour « apporter le soutien du groupe communiste aux salariés et aux intermittents du Centquatre. Trop c’est trop : aucune augmentation de salaires depuis plus de de quinze ans, ce qui est à la fois un manque de reconnaissance pour leur travail et pour leurs compétences. Un salaire qui n’augmente pas, c’est leur pouvoir d’achat qui régresse. En somme, c’est travailler pareil pour gagner moins. La réalité, c’est qu’au Centquatre, c’est plutôt travailler plus pour gagner moins ».

« Offrir plus de spectacles, c’est un objectif que l’on peut partager », a poursuivi la conseillère de Paris. « Mais alors il faut s’en donner les moyens. Cela ne peut pas se faire sur le dos des salariés. Cette suractivité conduit d’ailleurs à un turnover important de salariés, ce qui nuit à l’efficacité des équipes, et je ne vous parle pas des burn-outs. En conséquence, il faut embaucher des salariés. En recherche d’emploi dans le secteur culturel, il y en a ! »

Raphaëlle Primet a rappelé que de nombreux élus du conseil de Paris siègent au conseil d’administration du Centquatre – ce dernier est présidé depuis 2020 par Carine Rolland, adjointe (PS) à la maire de Paris à la culture. « Nous ne pouvons pas détourner le regard face au cri d’alerte de celles et ceux qui font vivre ce lieu incontournable de la culture parisienne, c’est pourquoi nous nous devons de les soutenir et de nous engager à restaurer le dialogue social. À travers le Centquatre, c’est la politique parisienne vis-à-vis des acteurs culturels qui s’exprime », a conclu l’élue communiste du 20e arrondissement.

Les équipes en grève du centre culturel ont précisé « qu’à la suite d’une semaine de négociations, les avancées des discussions ne laissent pas présager d’une résolution dans les jours à venir. La passion et le dévouement du personnel du Centquatre ne suffiront bientôt plus à défendre chaque levée de rideau ». Alors que les annulations de représentations se sont multipliées ces derniers jours, une caisse de grève a été lancée pour soutenir les travailleuses et travailleurs mobilisés.

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Pétition – Mouvement spontané et collectif des salariés du Centquatre

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Caisse de grève : Cagnotte de soutien aux salariés du Centquatre en grève

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Photographie © Paris Lights Up

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