Un rassemblement était organisé samedi après-midi pour dénoncer “la situation inhumaine qui s’inscrit dans le Calaisis”, et soutenir les grévistes de la faim mobilisés depuis le 11 octobre dernier pour des conditions d’accueil des personnes en exil enfin dignes de la République.
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Anaïs Vogel, 35 ans, Ludovic Holbein, 38 ans, et le père Philippe Demeestère, 73 ans, ont cessé de s’alimenter le 11 octobre pour réclamer “l’arrêt de la maltraitance des personnes en exil” dans la ville du nord et ses environs, aux portes du Royaume-Uni. Si le prêtre jésuite a été contraint d’arrêter sa grève de la faim jeudi 4 octobre, les deux trentenaires calaisiens poursuivent ce combat pour un accueil plus humain. Le mouvement a débuté suite au décès du jeune Soudanais Yasser Abdallah, après une chute mortelle d’un poids lourd le 28 septembre dernier.
La Cimade, association “engagée pour une solidarité active avec les personnes migrantes et réfugiées”, dénombre “environ 2 000 personnes, dont au moins 300 enfants, qui survivent dans des campements indignes à Calais et ses alentours avec un accès difficile voire impossible à l’eau, à l’hygiène, à l’alimentation et à la santé. Ces campements font l’objet d’expulsions quasi-quotidiennes, sans propositions d’hébergement adapté, parfois accompagnées de destructions de leurs effets personnels et de violences.”
“Selon le rapport publié par Human Rights Watch le 7 octobre 2021, 950 opérations d’expulsion ont été menées à Calais en 2020, soumettant les personnes à une ‘humiliation et un harcèlement quotidien’,” poursuit l’association. Des actes d’une particulière bassesse ont été documentés ces derniers mois, notamment par le photojournaliste Louis Witter : évacuations de police menées à l’aube avec lacération des tentes des réfugiés, confiscation régulière des effets personnels, et même destruction de réservoirs d’eau au détriment de la salubrité des campements.
Au micro se succèdent responsables associatifs et proches des grévistes, tandis que des messages dénonçant la situation s’affichent progressivement autour du socle du Monument à la République. “Depuis 1999, 308 personnes exilées décédées à la frontière franco-britannique”, “Tous les jours à Calais l’État vole les affaires des exilée·e·s”, ou encore “Faim aux frontières”, mot d’ordre de cet événement de soutien. Sur le parvis, les noms des disparus de ces dernières années ont été inscrits un à un à la craie.
Près de 50 000 personnes ont déjà signé la pétition initiée par les grévistes de la faim calaisiens. Ces derniers mettent en avant trois revendications principales : “la suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale, l’arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées”, et “l’ouverture d’un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État, portant sur l’ouverture et la localisation de points de distribution de tous les biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées”.
Les récentes interventions sur place du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) Didier Leschi, désigné médiateur par le gouvernement, n’ont pas été jugées satisfaisantes par les acteurs de terrain. Alors que la durée de leur grève de la faim dépasse désormais les 27 jours, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein ont écrit jeudi au président de la République pour lui demander de tenir compte de l’urgence de la situation en intervenant directement.
Le rassemblement de soutien parisien a réuni plusieurs associations et collectifs engagées pour un accueil humain des personnes venues chercher refuge en Europe. Aux côtés de l’écologiste Sandrine Rousseau et du conseiller de Paris (EELV) du 11e arrondissement Nour Durand-Raucher étaient présents des membres de la Cimade, de Paris d’Exil, du Secours catholique, de Solidarité Migrants Wilson, ou encore d’Utopia 56. Pour cette dernière, “il est important de continuer à visibiliser la situation et de continuer à mettre l’État face à l’urgence humanitaire que constituent ces situations. Il est impensable de continuer à bafouer les droits humains et nos lois, sans but, ni fin, au détriment de vies humaines”.
“Les consciences humaines s’habituent à tout, même à l’intolérable. Cette grève de la faim vise à réveiller les intelligences, et à faire entendre à nouveau le caractère scandaleux et proprement inimaginable, dans un pays comme la France, en 2021, de la condition à laquelle sont réduits, volontairement, les personnes exilées par la puissance publique”, concluaient également les grévistes de Calais dans leur appel lancé le 11 octobre dernier.
Le mercredi 17 novembre prochain, un autre événement de soutien organisé à deux pas de là résonnera avec leur combat pour un accueil plus digne. À partir de 18h, la Bourse du Travail de Paris (10e arrondissement) accueillera ainsi Domenico “Mimmo” Lucano, ancien “maire des migrants” de la bourgade italienne de Riace. Il y a un peu plus d’un mois, il a été condamné pour irrégularités par des juges transalpins après avoir facilité l’installation de centaines de personnes en exil au cours des deux dernières décennies.
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Photographies © Paris Lights Up
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