En l’espace de quelques jours, quatre décisions de fermeture administrative pour des motifs liés au covid-19 ont été notifiées à des établissements situés sur les rives du canal de l’Ourcq et du bassin de la Villette (19ème arrondissement), dans un quartier qui rencontre déjà bien des difficultés.
D’une durée de neuf jours, les fermetures administratives décrétées la semaine dernière concernent des établissements bien connus des riveraines et riverains : l’adresse 25 Degrés Est, surplombant la place de la bataille de Stalingrad et la rive sud du bassin de la Villette, puis en remontant le canal, le Café Odilon, le Mama Kin, et les Bancs Publics. Le Collectif Canal 19, qui regroupe “quarante établissements, restaurateurs et lieux de vie engagés pour promouvoir la convivialité” dans le quartier, regrette dans un communiqué des décisions prises “sans avertissement écrit au préalable, sans amende antécédente, et sans aucune procédure contradictoire”.
“Nous ouvrons quotidiennement nos commerces avec la crainte de ne pas respecter les bonnes règles et d’être sanctionnés, alors que nous n’avons aucun document clair rassemblant toutes les lignes de conduite”, estiment les membres du collectif. Pour elles et eux, la multiplication des fermetures administratives dans la capitale est aussi synonyme “de travailleurs à l’arrêt, de quartiers qui perdent leur énergie, et d’éventuelles faillites à venir”. Contrairement à ces déclarations, les services de la préfecture de police affirment quant à eux que les restaurateurs avaient été “préalablement avertis et mis en demeure” pour différents motifs, relatifs au port du masque, à l’écart entre les tables, ou à la présence d’un “cahier de traçabilité”. Dans la capitale, ils chiffrent à plus de 400 les adresses concernées par ce type de mesures depuis le début de l’année 2021.
Luce, gérante du 25 Degrés Est, explique que “l’impact est difficile, car après neuf mois de fermeture sanitaire, ces neuf jours peuvent être la goutte d’eau en trop pour un établissement.” Sans forcément contester l’ensemble des faits reprochés aux adresses mises en cause suite aux passages de l’unité de police administrative, Céline du Café Odilon déplore “des décrets changeants, compliqués à suivre, et qui pour certains prêtent à confusion », ainsi qu’une “retranscription erronée ou exagérée des faits notifiés dans l’arrêté ». Il s’agit de la première fermeture administrative de son établissement, avec d’importantes pertes et des mises en congés forcés pour le personnel.
Au-delà d’un “problème de disproportion au vu des faits reprochés”, la restauratrice craint que les fermetures frappant les rives des canaux contribue à accentuer les grandes difficultés entrevues ces derniers temps dans le quartier, notamment en raison de la crise liée au crack, dont les tragiques conséquences sont les plus visibles autour de la place de Stalingrad et des jardins d’Éole voisins. “Tout va en dépit du bon sens, la priorité des autorités devrait être de canaliser et d’orienter les personnes en difficulté dans la rue, pas de fermer des établissements pour un verre posé sur le bar, à la fermeture, au moment de payer au comptoir ! Par leur présence, les établissements du quartier contribuent finalement à sa sécurité, notamment le soir », estime la responsable du Café Odilon. De fait, malgré une atmosphère de plus en plus lourde, la diversité de ses adresses culinaires et festives reste aujourd’hui encore l’un des atouts de la Villette, dont on a bien du mal à imaginer les canaux déserts et silencieux.
Rappelant “avoir conscience que les règles liées au covid-19 ne vont pas prendre fin demain”, le Collectif Canal 19 demande à “ouvrir le dialogue” avec les pouvoirs publics afin de mettre en place “des outils clairs pour travailler dans de bonnes conditions”. Suite à ses alertes, le maire (PS) du 19ème arrondissement, François Dagnaud, avait appelé ce week-end à “clarifier les règles du jeu” après cette “avalanche de fermetures administratives par la préfecture de police en plein début de saison”. D’après nos informations, à leur demande, les cafetiers et restaurateurs du quartier auront l’occasion d’échanger avec des représentants de la police et de la mairie au cours d’une table ronde organisée ce jeudi 15 juillet au matin. Les dernières annonces de l’exécutif, notamment celles concernant l’accès aux établissements accueillant du public, ne devraient pas manquer de soulever de nouvelles questions pour un secteur particulièrement éprouvé par la crise sanitaire et sociale.
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Photographie © 25 Degrés Est
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