À l’Ouest, rien de nouveau dans l’accueil des personnes sans-abri

Une fois n’est pas coutume, on se déplace de l’autre côté de la capitale, alors que le sujet de l’hébergement des personnes sans-abri continue d’agiter les humbles chaumières du 16ème arrondissement.

Comme le rapporte Le Monde, ses élus se sont une nouvelle fois réunis ce lundi 18 mars pour réaffirmer leur opposition au maintien du Centre d’hébergement d’urgence La Promesse de l’aube, ouvert en 2016 et géré par l’Association Aurore.

Cause de leur colère : la volonté d’Anne Hidalgo et de la municipalité de garder le centre ouvert jusqu’en 2024, soit cinq années de plus que prévu initialement. Après les saisies du tribunal administratif par les associations de riverains, les protestations vigoureuses des habitants, et la pression constante des élus locaux contre son maintien,  le statut du centre reste toujours aussi fragile.

L’extension du délai d’installation va peut-être à l’encontre de la stricte lecture du droit, mais la crise que connaît Paris autour du sans-abrisme ne nécessite-t-elle pas quelques ajustements ? La Promesse de l’aube est située en lisière du Bois de Boulogne, sur l’Allée des Fortifications – une route coupée à la circulation. « Construction modulaire » entièrement démontable, sa structure de bois est peu visible depuis les voies des alentours.

Plus de la moitié des 203 résidents du centre sont des membres d’une famille, parmi lesquels 67 enfants. Scolarisés dans les écoles du quartier, ces derniers bénéficient également d’un suivi de santé comprenant vaccination et visites de pédiatres sur place deux fois par semaine.

Mais pour les élus du 16ème, la priorité du moment serait de « réalise[r] le projet d’aménagement de l’allée » prévu initialement. Porté par la ministre de l’environnement de l’époque Ségolène Royal, il prévoyait en effet une végétalisation de la voie à partir de 2019.

Il paraît cependant bien risible de voir les élus et certains habitants du 16ème prétexter de la défense d’un « projet paysager » – à l’orée du deuxième plus grand espace vert de la capitale – pour en réalité défendre le statu quo de la ségrégation spatiale parisienne.

Dans cet arrondissement bourgeois de l’Ouest parisien, un foyer fiscal sur six était encore assujetti à l’ISF en 2017 (contre un sur 105 dans le reste du pays). Le patrimoine moyen des contribuables locaux est le troisième plus élevé de France, après Neuilly-sur-Seine et le 7ème arrondissement.

On retiendra pourtant que le principal combat politique de ses élus au cours de la mandature d’Anne Hidalgo aura été de réclamer la fermeture d’un centre d’hébergement d’urgence, qui plus est destiné à l’accueil des familles sans-abri.

La maire Danièle Giazzi (LR) a profité de la réunion des élus de ce lundi pour affirmer que le 16ème arrondissement « [n’avait pas] de leçon de solidarité et de main tendue à recevoir de quiconque. »

La seule histoire de ce centre – le premier d’envergure installé sur le territoire de l’arrondissement – suffit pourtant à démontrer le contraire : réunion d’information évacuée dans les insultes, projet qualifié de « futur Sangatte«  par l’ancien maire (LR) Claude Goasguen, sans oublier les deux incendies volontaires (!) de ses bâtiments fin 2016.

Autre anecdote évocatrice : le président du collectif d’associations pour la « sauvegarde » du bois de Boulogne, qui défend la « renaturation » envisagée dans le projet initial, est Christophe Blanchard-Dignac, énarque et PDG de la Française des Jeux de 2000 à 2014. Qu’une personne aussi fortunée décide d’user de son temps et de ses moyens pour bouter les plus démunis hors du Bois de Boulogne est emblématique de la logique de l’entre-soi assumée par certains résidents du 16ème arrondissement.

Pour juger de la « solidarité » des décideurs de l’Ouest parisien, d’autres indicateurs sont tout aussi révélateurs. Exemple avec le taux de logements HLM : alors qu’ils atteignait 19,9% des résidences principales en moyenne à Paris en 2016, ce pourcentage était de 6% environ dans le 16ème arrondissement – toujours mieux que les impressionnants 2% et 3% enregistrés respectivement dans les 8ème et 7ème arrondissements.

Pour comparaison, ce taux s’élève à près de 40% dans le 19ème – le record à Paris – et dépasse largement les 20% dans les 12ème, 18ème et 20ème arrondissements.

Les efforts de solidarité sont aujourd’hui en grande partie concentrés dans un nord-est parisien toujours plus saturé. Mal-logement, sans-abrisme, crise migratoire : peut-on accepter que les difficultés de la politique urbaine continuent d’être repoussées dans les quartiers populaires de la périphérie, dans une invisibilisation de la misère qui n’a certainement rien pour déplaire aux foyers les plus aisés du 16ème ?

Quelques motifs laissent espérer un rééquilibrage : on peut ainsi se féliciter de l’ouverture d’un centre d’hébergement (cette fois-ci à l’attention des réfugiés) dans ce même arrondissement en septembre dernier, qui plus est sans polémique majeure !

D’après le directeur du centre la Promesse de l’aube Mathieu Garin, « beaucoup d’habitants ont proposé de venir faire du bénévolat » et les « dons des habitants du quartier » ont été nombreux. Preuve s’il en fallait une que le sens de la solidarité est certainement mieux distribué dans la population parisienne que chez certains de ses représentants.

 

 

 

© Illustration : CHU La Promesse de l’Aube

Conception : moonarchitectures (Guillaume Hannoun) et Air Architectures (Cyrille Hanappe & Oliver Leclercq)
Suivi de réalisation : moonarchitectures
Maîtrise d’ouvrage : Association Aurore

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