Une nouvelle étude révèle des niveaux de pollution aux particules fines et aux métaux lourds préoccupants sur l’ensemble du réseau du métro parisien. Les stations de l’est de la capitale sont particulièrement touchées.
Menée en partenariat par les équipes du laboratoire de toxicologie biologique de l’hôpital Lariboisière (10e arrondissement) et Jean-Baptiste Renard, directeur de recherches au laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace du CNRS et membre du bureau scientifique de l’association Respire, cette enquête réalisée pour l’émission de France Télévisions Vert de Rage révèle la présence dans les stations de métro parisiennes de particules fines PM2.5 mesurées en moyenne à 24 microgrammes par mètre cube (μg/m3), soit près de cinq fois le seuil de 5 μg/m3 recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Comme le rappellent les équipes de Vert de Rage, ces particules “sont si fines qu’elles peuvent se loger dans nos poumons et causer, à long terme, des maladies respiratoires, des cancers du poumon, et des maladies cardiovasculaires”. Réalisées pendant huit mois par “des dizaines de volontaires” sur les quais de l’ensemble des 435 stations (dont 392 souterraines) des zones 1 et 2 du réseau de la RATP, les études ont également confirmé la présence de “métaux lourds (nickel, chrome, fer, baryum, etc.), qui s’accumulent dans l’organisme et peuvent se révéler toxiques à forte dose”.
La ligne 5, la plus exposée aux particules fines
Cette enquête a notamment permis de classer les lignes les plus exposées à la pollution aux particules fines PM2.5, en fonction de la “surpollution” par rapport aux mesures de l’air effectuées en surface :
• Ligne 5 : +18 μg/m3 en moyenne
• RER A (zones 1 & 2) : +17 μg/m3 en moyenne
• Ligne 9 : +16 μg/m3 en moyenne
• Ligne 2 : +15,5 μg/m3 en moyenne
• Ligne 7 : +15 μg/m3 en moyenne
• Ligne 7bis : +15 μg/m3 en moyenne
• Ligne 13 : +13,5 μg/m3 en moyenne
• Ligne 8 : +13,5 μg/m3 en moyenne
• RER B (zones 1 & 2) : +11,5 μg/m3 en moyenne
• RER D (zones 1 & 2) : +11 μg/m3 en moyenne
• Ligne 11 : +11 μg/m3 en moyenne
• Ligne 1 : +9 μg/m3 en moyenne
• Ligne 12 : +8 μg/m3 en moyenne
• Ligne 10 : +7 μg/m3 en moyenne
• Ligne 6 : +5 μg/m3 en moyenne
• Ligne 4 : +5 μg/m3 en moyenne
• RER E (zones 1 & 2) : +4,5 μg/m3 en moyenne
• Ligne 3 : +4,5 μg/m3 en moyenne
• Ligne 14 : +3 μg/m3 en moyenne
• RER C (zones 1 & 2) : +3 μg/m3 en moyenne
• Ligne 3bis : +2,5 μg/m3 en moyenne
Au-delà des moyennes enregistrées sur chaque ligne, certaines stations affichent individuellement des niveaux de particules fines très supérieures aux niveaux recommandés : les quais de l’est de la capitale enregistrent d’ailleurs quelques-uns des niveaux les plus inquiétants d’exposition aux PM2.5. Sur la ligne 2, la station de métro Belleville souffrait ainsi d’un taux de surpollution de +60 μg/m3 lors des mesures, effectuées en novembre 2022. Parmi les autres points noirs du réseau révélés par cette étude, on retrouve notamment les stations Bréguet-Sabin (ligne 5, +46 μg/m3), Voltaire (ligne 9, +39 μg/m3), Charonne (ligne 9, +38 μg/m3), Saint-Ambroise (ligne 9, +37 μg/m3), Reuilly-Diderot, Montgallet, et Daumesnil (ligne 8, +32 μg/m3), ou encore Jaurès (ligne 5, +31 μg/m3).
L’air mesuré depuis les quais des stations deux fois plus pollué que celui de l’extérieur
Selon les scientifiques et les journalistes qui ont mené cette enquête, la présence de ces particules fines s’explique avant tout par la circulation dans les stations de l’air venu de l’extérieur, pollué par les émissions des véhicules à moteur, mais aussi par les particularités du réseau. “Spécifique à l’activité ferroviaire souterraine, cette pollution est causée par l’usure des matériaux due au freinage des rames, par les contacts entre le matériel roulant et la voie ferrée, ou encore par la remise en suspension des poussières du fait de la circulation des rames”, précisait ainsi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2022.
En moyenne, dans l’échantillon évalué à Paris et dans les départements de la Petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, et Val-de-Marne), l’air mesuré depuis les quais des stations apparaît deux fois plus pollué que celui de l’extérieur. L’association Respire a déposé plainte contre la RATP en 2021 en lui reprochant un “défaut de transparence” à ce sujet. Une enquête préliminaire a été ouverte en février dernier par le parquet de Paris. D’après Santé publique France, “l’exposition à la pollution de l’air ambiant par les particules fines représente en moyenne pour les personnes âgées de 30 ans et plus une perte d’espérance de vie de près de 8 mois”, avec “près de 40 000 décès” pouvant lui être attribués chaque année à l’échelle nationale.
Le transport routier motorisé, principal responsable de la pollution de l’air ambiant
Afin d’améliorer la qualité de l’air sur les réseaux de transport souterrains, l’Anses recommandait il y a un an “le renouvellement des matériels roulants, l’utilisation de systèmes de freinage moins émissifs en particules, ainsi que l’amélioration de la ventilation de ces enceintes”. Par ailleurs, “compte tenu de l’augmentation attendue du trafic dans un contexte où les alternatives à l’automobile sont privilégiées, l’Agence recommande en particulier de renforcer les dispositifs de surveillance de la pollution de l’air dans les différents environnements des enceintes : quais, stations, rames, etc.”
Dans un rapport d’expertise collective portant sur la qualité de l’air des enceintes ferroviaires souterraine publié en mai 2022, l’Anses rappelait cependant que “la priorité de santé publique concerne la réduction de la pollution de l’air ambiant dans son ensemble. Dans ce contexte, le report modal du transport routier motorisé vers d’autres modes de transport moins polluants dont le transport ferroviaire doit être encouragé”. En dépit de leurs spécificités, les modes de transport collectifs, même souterrains, sont responsables de pollutions bien moindres que celles engendrées par les véhicules motorisés individuels sévissant en surface. Le report que l’Anses appelle de ses vœux concourrait “à réduire la pollution de l’air extérieur en réduisant les émissions du trafic routier qui exposent à plusieurs polluants, notamment les particules fines en nombre, le carbone suie, des gaz comme le monoxyde de carbone, le dioxyde d’azote, le benzène et le toluène”.
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Photographie d’illustration : Entrée de la station de métro Gambetta, Paris 20e.
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