La ville de Paris a officialisé ce mardi l’ouverture de La Bulle, lieu d’accueil et de soutien dédié “aux personnes LGBTQI+ les plus stigmatisées”, animé par un collectif de sept associations.
Propriété de la municipalité, le local du 22 rue Malher accueillera désormais les personnes “les plus invisibilisées au sein de la minorité LGBTQI+, celles et ceux qui requièrent davantage de soutien : les personnes économiquement précarisées, exilées, trans, séropositives, victimes de violences…” Sur deux étages et une surface de près de 520 mètres carrés, La Bulle permettra à des associations dont les équipes se consacrent à ces thématiques d’assurer leurs activités en mettant à leur disposition des bureaux, des salles d’entretien, un espace de conférence, et même un studio de tournage. D’après les services de la ville, “des campagnes de sensibilisation à la santé sexuelle accessibles à tous, dans différentes langues, avec un espace de dépistage (type TROD) peuvent également s’y dérouler. Enfin, les usagers du lieu bénéficient d’aide alimentaire, de repas partagés, de distribution de vêtements…”
Réunies au sein de l’association AGLIL22M, les premières organisations à rejoindre ces locaux sont l’ARDHIS, association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour, ANKH et Wassla, qui défendent les personnes LGBTQI+ originaires des pays arabes, OUTrans, “structure pour l’autosupport des personnes trans” et la lutte contre la transphobie, Espace Santé Trans, “association de promotion de la santé des personnes transidentitaires” en Île-de-France, le FLIRT – Front de libération transfem, et XY media, “premier média transféministe audiovisuel en France”.
“Des publics fragilisés par l’empilement des discriminations”
L’inauguration de La Bulle fait suite au vote d’une convention d’occupation du domaine public présentée lors de la séance du conseil de Paris de juin 2022. Le texte était alors porté par le maire (PS) du secteur Paris Centre, Ariel Weil. Premier à prendre la parole lors de l’inauguration, l’élu s’est félicité de l’aboutissement d’un projet “qui a mis du temps à se solidifier”, avec cette inauguration “à la veille de la journée internationale contre l’homophobie, la biphobie, et la transphobie, et pour l’anniversaire de l’entrée en vigueur du mariage pour tous il y a dix ans”. Des dates qui vont bien au-delà du symbole, alors que l’association SOS Homophobie alertait hier encore dans son dernier rapport que “les violences dans l’espace public reprennent de plus belle”, et que “la transphobie augmente depuis deux ans, particulièrement dans les commerces et administrations”.
Longtemps dépendant de la Bibliothèque historique de la ville de Paris voisine, le local du 22 rue Malher a plus récemment accueilli le centre de vaccination de Paris Centre lors de la campagne de lutte contre le covid-19. Ariel Weil s’est réjoui que “de la solidarité à la santé, en passant par l’aide sociale, ces fonctions demeurent” dans un lieu qui aura désormais pour vocation d’accueillir “des publics fragilisés par l’empilement des discriminations”, et sera également dédié à la constitution de données suivant “une approche scientifique”. Insistant sur l’importance d’ancrer le lieu dans son environnement, le maire du secteur a même évoqué l’opportunité de créer une placette devant le site, avec “un élargissement de l’espace piétonnier, ou un rattachement à une des façades” existantes.
Une volonté de “s’ouvrir à d’autres associations” au fil des ans
Présidente de l’ARDHIS, qui “coordonnera l’action des différentes associations” suivant un principe de “collégialité”, Aude Le Moullec-Rieu a également appelé à construire “un lieu de convivialité, où les personnes accueillies trouveront de quoi se ressourcer”. Se refusant à “réduire les questions de migrations au seul accès au droit”, elle appelle les équipes de La Bulle à en faire “un lieu de résistance, où l’on pourra débattre, s’informer, se former”, avec l’organisation d’événements comme des rencontres, des débats, et des expositions. Spécialisée dans les droits “des personnes exilées et des couples binationaux LGBTQI+”, l’ARDHIS est aujourd’hui basée dans le 20e arrondissement, entre Belleville et Ménilmontant.
Anaïs Perrin-Prevelle, co-présidente de l’association OUTrans, a quant à elle estimé “important que ce lieu soit là où il est, pour dire que « oui, tu mérites d’être là, dans ce lieu, dans ce quartier-là. Sors de l’idée que tu dois forcément te cacher, être dans des endroits à part »”. Assurant que La Bulle permettra “d’accueillir les personnes dans les meilleures conditions possibles”, elle a notamment souligné besoin de confidentialité et de confiance qu’impliquent bien souvent les parcours personnels des publics accompagnés. Dans le cadre d’initiatives comme Trajectoires Jeunes Trans, qui a bénéficié en Île-de-France d’un financement de l’Agence Régionale de Santé (ARS), le lieu proposera ainsi “des boxes pour les entretiens, des permanences de psychologues, et des groupes de parole pour les proches”.
La question du projet de centre d’archives LGBTQI+ “résolue d’ici la fin de l’année” ?
Cette nouvelle “maison des solidarités” agira “en complémentarité avec le centre LGBTQI+ Paris – Île-de-France”, avec par ailleurs la volonté de “s’ouvrir à d’autres associations” au fil des ans. Si le lieu a déjà bénéficié d’une “attribution d’une aide en nature de 143 600 euros et d’une subvention d’investissement de 100 000 euros” de la part de la municipalité, auxquelles il faut ajouter “une subvention exceptionnelle” de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), les équipes de La Bulle planchent déjà sur la recherche de “financements multiples, pour que ce lieu perdure”. Un processus de recrutement a d’ailleurs été lancé afin d’assurer notamment les missions visant à pérenniser la structure.
Jean-Luc Romero-Michel, adjoint (Paris en Commun) d’Anne Hidalgo en charge des droits humains, de l’intégration, et de la lutte contre les discriminations, a insisté sur la pertinence d’un tel lieu dans le contexte actuel, avec notamment “des débats d’une extrême violence au sujet des personnes trans”. L’élu du 12e arrondissement a aussi évoqué plusieurs autres dossiers, dont celui des places d’hébergement pour les réfugiés LGBTQI+. Selon lui, la ville compte aujourd’hui “50 places dédiées, avec l’objectif d’en atteindre 100 d’ici la fin du mandat”. Il a enfin mentionné le projet de construction d’un “monument national” en mémoire des luttes des personnes LGBTQI+ (“mais c’est la ville de Paris qui paiera”), et surtout celui du centre d’archives dédié, inspiré de ceux de Berlin ou Amsterdam, en débat depuis près de vingt ans. “Une question qui sera résolue bientôt, d’ici la fin de l’année”, a promis Jean-Luc Romero-Michel, espérant enfin clore ce dossier complexe, source de nombreuses oppositions entre la municipalité et les collectifs porteurs de cette initiative.
La Bulle – Maison des solidarités LGBTQI+
22 rue Malher, 75004 Paris
www.la-bulle.net
Cet article vous a été utile ? N’hésitez pas à lire notre appel à solidarité et à nous soutenir pour permettre à Paris Lights Up de rester accessible au plus grand nombre !
Photographies © Paris Lights Up