Dans une récente note, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) observe que “la part de la population vivant dans les quartiers les plus ségrégués a peu évolué entre 2004 et 2019” à travers la métropole du Grand Paris.
Se fixant pour objectifs “de documenter, analyser et développer des stratégies prospectives concernant les évolutions urbaines et sociétales à Paris et dans la Métropole du Grand Paris”, l’association a récemment rappelé que les inégalités de revenus continuent à se creuser en région parisienne ; sa dernière analyse démontre que le fossé entre les plus modestes et les plus fortunés reste toujours aussi évident d’un point de vue géographique. D’après la définition retenue par l’Apur, “la ségrégation désigne l’inégale répartition territoriale des habitants selon leur niveau de revenu”.
Intitulée Mixité sociale et ségrégation dans la métropole du Grand Paris : État des lieux et tendances sur 15 ans, cette note met en évidence les changements – et les constances – observés de 2004 à 2019, périmètre de l’étude. Sur l’ensemble du territoire analysé, “37 % de la population réside dans un des quartiers les plus mixtes en 2019 et 21 % dans un des quartiers les plus ségrégués (où les ménages ont des niveaux de revenus très proches les uns des autres, élevés ou faibles). Enfin, 42 % de la population vit dans un quartier qui relève d’une situation intermédiaire, ne faisant ni partie des quartiers les plus ségrégués, ni des plus mixtes”, explique l’Apur en préambule de ce document, basé sur une analyse géographique des écarts de revenus.
Le ratio de revenus entre ménages les plus favorisés et les plus modestes le plus élevé de France
Le territoire du Grand Paris reste caractérisé par de très importants écarts de revenus entre les ménages, qui n’apparaissent jamais de manière aussi évidente qu’en observant la concentration des populations les plus fortunées dans les communes “bourgeoises”, notamment à l’ouest de la capitale, et la situation inverse dans les communes les plus défavorisées. “En 2019, les 10 % des ménages les plus modestes vivent avec un revenu mensuel inférieur à 900 euros par unité de consommation, tandis que les 10 % les plus aisés disposent d’un revenu mensuel supérieur à 4 500 euros. Les ménages les plus favorisés ont ainsi un revenu cinq fois supérieur aux plus modestes (rapport interdécile). Ce ratio est le plus élevé des 22 métropoles de France, devant celles de Metz, Lyon, et Montpellier”, rappelle l’Apur.
Observé à partir de données issues des bases fiscales RFL et Filosofi “permettant une analyse des évolutions à un niveau fin (carreaux de 200 mètres de côté)”, le phénomène de ségrégation géographique détaillée par l’association résulte “de choix individuels ou de contraintes structurelles, notamment liés au parc et au prix des logements, mais aussi à la desserte en transports, aux aménités urbaines, à l’offre scolaire ou à la proximité des lieux d’emploi”. De fait, le prix du logement reste de toute évidence l’un des facteurs incontournables expliquant l’installation des ménages dans telle commune ou dans tel quartier, apparaissant comme une contrainte bien plus qu’un choix pour les plus modestes.
La part de la population résidant dans un quartier ségrégué a augmenté de +1,3 point entre 2004 et 2019
“Si la métropole du Grand Paris est la métropole dans laquelle les disparités de revenus sont les plus fortes, elle n’apparaît pour autant pas comme la plus ségréguée”, explique cependant la note de l’Apur, la région parisienne restant toutefois la cinquième la plus touchée après les territoires de Rouen, Lille, Tours, et Marseille – Aix-en-Provence. En 2019, les quartiers les plus ségrégués rassemblaient “près de 21 % de la population de la métropole”, soit 1,4 million de personnes : “11 % d’habitants résidant dans les quartiers les plus ségrégués rassemblant des populations modestes et 8 % dans les quartiers les plus ségrégués où la population est aisée”. Sur les quinze années de la période étudiée, la part de la population résidant dans un quartier ségrégué a augmenté de +1,3 point à travers la métropole, rapporte l’Apur.
“37 % de la population réside dans un quartier pouvant être qualifié de mixte” dans le Grand Paris, soit 2,6 millions de personnes. La capitale elle-même est le territoire francilien où cette mixité apparaît comme la plus commune, avec près de la moitié (48%) de la population parisienne résidant dans un quartier considéré comme “mixte” – proportion accusant cependant une baisse de -4,5 points entre 2004 et 2019. Les arrondissements de l’est parisien (10e, 11e, 12e, 13e, 19e, 20e) apparaissent de très loin comme les moins ségrégués, un constat qui s’explique notamment par des loyers plus abordables et une politique de logement social plus ambitieuse que dans le reste de la capitale. Si quelques territoires de mixité se démarquent en Seine-Saint-Denis, comme à Montreuil, aux Lilas, ou à Pantin, le département se distingue encore par le maintien de fortes zones de ségrégation concernant des ménages modestes, en particulier à travers les intercommunalités Plaine Commune, Paris Terres d’Envol, et dans le nord d’Est Ensemble.
Photographie d’illustration : Immeubles d’habitation vus depuis la cité Hiver, dans le 19e arrondissement de Paris
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