Face à un exécutif autoritaire qui piétine la démocratie et multiplie les réquisitions brutales de travailleurs en grève, les violences contre les manifestants, et les arrestations arbitraires, les mobilisations de cette semaine seront à n’en pas douter décisives.
Ils auront donc osé. Rejeté par une très large majorité du peuple, le projet de réforme des retraites du gouvernement lui aura été imposé à coup de 49.3 en contournant éhontément la procédure législative, survivant de justesse à une motion de censure transpartisane. Malgré les plus fortes mobilisations de ces dernières décennies, malgré un front syndical uni, malgré un mouvement de contestation qui gagne toujours plus de secteurs en intensifiant chaque jour les blocages, l’exécutif a choisi de s’entêter dans son mépris et de poursuivre ses politiques de violences sociales d’une ampleur inouïe.
Les travailleuses et les travailleurs qui voient s’assombrir leur avenir ont une fois de plus l’occasion de constater la lâcheté de l’occupant de l’Élysée, “Emmanuel Macron, président des patrons”, des privilégiés, des propriétaires, des fortunés, des rentiers, des profiteurs de crises. De toute évidence élu grâce aux voix de celles et ceux qui refusaient d’ajouter aux prédations du libéralisme bourgeois le tournant du fascisme, le chef de l’État démontre une nouvelle fois qu’il n’écoute pas le peuple, qu’il reste sourd à la rue. Cette dernière le lui a déjà rendu par le passé ; elle le fait aujourd’hui de nouveau.
La violence physique pour appuyer la violence sociale
Le contexte choisi pour avancer les pions de cette réforme injuste est une preuve éclatante du cynisme qui prévaut chez le pouvoir en place. Le peuple voit ses droits se réduire au sortir d’une longue crise sanitaire durant laquelle les salariées et les salariés les plus précaires et les plus exposés auront tenu seuls le pays, n’ayant pas le luxe de rester calfeutrés chez eux derrière le confort d’un bureau : travailleuses et travailleurs de la santé, de la distribution, des transports, de l’énergie, ou encore, déjà, du ramassage des déchets. Ces nouvelles attaques antisociales interviennent par ailleurs après les mobilisations déjà intenses de l’an dernier pour l’augmentation des salaires, pour une juste distribution des richesses, alors que l’inflation dépossède toujours plus les foyers qui voient leur niveau de vie reculer à marche forcée.
Devant les manifestations spontanées qui ont éclaté à travers le pays depuis l’annonce de l’usage de l’article 49.3, le pouvoir n’a eu d’autre choix que d’apporter sa réponse habituelle : celle de la répression, de la violence physique venue appuyer la violence sociale. Face aux grèves des travailleuses et travailleurs essentiels du traitement des ordures ou des raffineries, ce sont des hommes en uniformes que l’on envoie mener des réquisitions par la force. Face à la foule, particulièrement jeune, qui se lève pour crier son refus d’une société plus inégale encore, c’est par la matraque, les gaz lacrymogènes, et l’enfermement que l’on rétorque à la contestation. N’ayant aucun argument pour imposer leurs projets, ils réduisent leurs opposants au silence.
La place de la Bastille, parfaite incarnation du sort réservé aux oppressions
La réponse à la révolte de ces derniers jours offre une nouvelle démonstration que l’exécutif ne connaît pas son peuple. Il avait pourtant déjà été averti. La France est indissociable de l’esprit de la révolution : elle est déjà venue à bout de tyrans autrement plus établis, d’oppressions alors jugées bien plus inévitables. Les passages en force et les contournements de l’Assemblée, tout comme la montée en puissance de l’outil répressif illustré par les violences policières de ces derniers jours, ont ainsi pour seul effet d’alimenter la légitime mobilisation contre cette réforme assassine.
Après déjà huit journées de manifestations record, le nouveau rendez-vous de ce jeudi 23 mars devrait rappeler au président de la République et à son entourage que les travailleuses et les travailleurs n’ont pas l’intention de lâcher quoi que ce soit. Comme un symbole, le cortège parisien s’élancera de la place de la Bastille, parfaite incarnation du sort réservé aux oppressions que l’on avait cru si longtemps insurmontables. De l’arbitraire royal, mis à terre et démoli par un peuple épris d’égalité, il ne reste plus rien. Comme il ne restera bientôt plus rien des projets de maltraitance populaire d’un pouvoir à la dérive.
L’entêtement du pouvoir ne marque aucunement la fin de la lutte, bien au contraire
Avant même la manifestation de jeudi, les mobilisations et les grèves se poursuivent. Chez les travailleuses et les travailleurs de la collecte des déchets, qui ont su illustrer mieux que quiconque leur rôle indispensable, dans les raffineries désormais à l’arrêt, dans les secteurs du rail, de l’énergie, de l’éducation, dans les universités, partout où les blocages sont possibles : l’entêtement du pouvoir ne marque aucunement la fin de la lutte, bien au contraire, elle l’attise et lui donne un nouveau souffle. Dans la capitale, les soutiens des éboueurs affluent ainsi chaque jour autour des incinérateurs, outils clés de cette révolution des poubelles. Partout, le succès des caisses de grève atteste de la solidarité populaire envers le mouvement, du refus quasi unanime d’un peuple qui refuse l’entrave de nouvelles chaînes.
C’est une fois encore l’heure de la rue, celle que ne connaît pas le pouvoir, celle qu’ignore les possédants, celle qui n’accepte jamais l’arbitraire. Si l’exécutif décide de retenir les leçons du passé et de prendre la mesure de la contestation populaire, il doit sans attendre mettre fin à ses sinistres projets de précarisation généralisée et d’atteintes à la dignité de la vie. S’il choisit une fois encore de rester sourd, il ne tardera sans doute pas à être ramené aux réalités de la marche de l’histoire et de ses implacables enseignements : on ne gouverne pas impunément contre le peuple.
Photographie : Manifestation spontanée contre le projet de réforme des retraites après l’annonce de l’utilisation de l’article 49.3 par le gouvernement
Place de la Concorde, Paris – 16 mars 2023
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