Quarante ans après l’attentat terroriste de la rue des Rosiers, un premier hommage national

Le 9 août 1982, au cœur du quartier juif du Marais, un groupe de terroristes attaque les clients du restaurant Jo Goldenberg. Cet attentat antisémite fera six morts et 22 blessés. Alors que les victimes attendent encore un procès, un hommage national a eu lieu sur place ce mardi, quarante ans après.

La cérémonie s’est déroulée en début d’après-midi à l’angle de la rue des Rosiers et de la rue Ferdinand Duval (4e arrondissement), devant l’immeuble qui accueillait alors le restaurant casher Jo Goldenberg. Une cinquantaine de clients de cet établissement ashkénaze du Pletzl, quartier juif historique du cœur de la capitale, était attablée pour le déjeuner au moment de l’attaque. Constitué d’au moins deux membres, un groupe de terroristes est descendu d’une voiture aux alentours de 13h15. Ils ont tout d’abord lancé une grenade à l’intérieur du restaurant, puis tiré plus de 70 coups de feu au pistolet-mitrailleur avant de prendre la fuite.

Six personnes perdront la vie, et 22 autres seront blessées, au cours de l’attentat antisémite du 9 août 1982. L’enquête attribuera finalement sa responsabilité au groupe palestinien Fatah-Conseil révolutionnaire, fondé par Abou Nidal, qui avait déjà commis plusieurs autres attaques meurtrières à Paris et dans le reste de l’Europe au cours des années précédentes. En 2015, la justice française a émis des mandats d’arrêt internationaux visant trois membres de l’organisation. L’un d’entre eux, aujourd’hui âgé de 65 ans, a été extradé de la Norvège vers la France en 2020. Mis en examen pour “assassinats” et “tentatives d’assassinats”, il a été incarcéré dans l’attente de son procès, qui pourrait avoir lieu d’ici deux ans. Les autres vivent aujourd’hui en Cisjordanie et en Jordanie.

Après l’attentat de la synagogue de la rue Copernic (16e arrondissement), qui fit quatre morts et près de quarante blessés le 3 octobre 1980, celui de la rue des Rosiers marque de nouveau la France et sa communauté juive. Il s’agit alors de l’acte antisémite le plus meurtrier commis dans le pays depuis la seconde guerre mondiale. Quarante ans plus tard, l’État et la ville de Paris se sont associés pour la première fois dans le cadre d’un hommage national, organisé en présence du ministre de la Justice, devant la plaque commémorative listant les noms des victimes : Mohamed Benemmou, André Hezkia Niego, Grace Cutler, Ann Van Zanten, Denise Guerche Rossignol, et Georges Demeter.

Aux côtés des représentants du gouvernement et de la municipalité, deux autres victimes de l’attentat ont pris la parole ce mardi. “Pour nous, les familles, les mêmes questions demeurent depuis quarante ans. Pourquoi cet acte antisémite ? Quels sont les véritables commanditaires ? Comment [les terroristes] ont pu franchir nos frontières aussi facilement ? Autant de questions sans réelles réponses“, a regretté avec émotion Jacqueline Niego, aujourd’hui octogénaire, qui a perdu son frère ce jour-là. “Il est temps que mon pays, la France et son gouvernement, prenne ses responsabilités, afin que tous ceux qui ont participé à cet odieux attentat puissent comparaître devant un juge”, a quant à lui demandé Guy Benarousse, grièvement blessé lors de l’attaque alors qu’il n’avait que 16 ans.

La mémoire de l’attentat a été ravivée en 2019 par des déclarations du premier responsable de la Direction de la surveillance du territoire (DST) de l’époque, Yves Bonnet. Ce dernier avait en effet reconnu devant un juge la négociation d’un “deal verbal” avec l’organisation d’Abou Nidal, visant à permettre aux membres du groupe terroriste de continuer à se rendre en France, “en contrepartie” de quoi ils cesseraient leurs attaques sur le territoire national. “Un pacte de Faust sur le chemin du déshonneur”, a estimé Yonathan Arfi, élu président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) en juin dernier.

 

 

Photographie d’illustration : Plaque commémorative sur la façade de l’ancien restaurant Jo Goldenberg le 9 août 2022 – Paris 4e.
© Paris Lights Up

 

 

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