Les services de la préfecture de police ont procédé tôt dans la matinée à l’évacuation de plusieurs campements du nord-est parisien. Il s’agit de la 59ème opération de “mise à l’abri” organisée depuis 2015, et la plus importante depuis un an.
Des centaines d’officiers de police se sont présentés avant 6h du matin pour procéder à l’évacuation de près de 1 600 personnes dans les environs du quartier de la Porte de la Chapelle, ainsi que le long de l’Avenue du Président Wilson menant à Saint-Denis .
Rassemblés dans des campements de fortune dans lesquels leur “situation psychique, sanitaire et sociale […] était d’une indignité sans nom », d’après le Directeur Urgence de France Terre d’asile Guillaume Schers, les migrants principalement originaires d’Afghanistan, du Soudan et d’Érythrée ont été transportés par bus pour rejoindre une quinzaine de gymnases répartis à travers l’Île-de-France. Ils y passeront quelques jours avant d’être conduits vers des “centres d’accueil et d’examen des situations”, puis d’être “réorientés” selon leur statut.
Une part importante des personnes évacuées a déjà obtenu le statut de réfugié. Malheureusement, la saturation des structures d’hébergement françaises ne permet qu’à la moitié d’entre elles de bénéficier du dispositif d’accueil adapté. Même les réfugiés ayant trouvé un emploi sont perdants d’avance s’agissant de trouver un logement durable en région parisienne.
Suite à cette nouvelle opération, le préfet de police Didier Lallement a fait part de sa volonté d’ “éviter tout retour” dans ces quartiers où la situation n’a guère évolué depuis désormais quatre ans – et ce malgré la soixantaine d’opérations déjà entreprises par les autorités. D’après l’arrêté préfectoral déjà affiché dans le secteur, une présence policière permanente devrait y être déployée.
D’après le préfet de région Michel Cadot, dont les services ont également pris part à l’opération, “les personnes qui tenteraient de se réinstaller seront immédiatement contrôlées et leur situation administrative vérifiée, ce qui pourrait donner lieu, en cas de séjour irrégulier sur le territoire, à un placement en centre de rétention.”
Les autorités ont d’ores et déjà annoncé que les autres campements du nord-est parisien, notamment dans les alentours de la Porte d’Aubervilliers et de la Porte de la Villette, seront à leur tour bientôt évacués. Ils rassemblent environ le même nombre de personnes que ceux qui ont fait l’objet de l’opération de ce matin.
Pour la maire de Paris Anne Hidalgo, elle est “une première partie de la réponse pour assurer la mise à l’abri inconditionnelle des réfugiés et engager la reconquête de l’espace public Porte de la Chapelle pour les habitants de ce quartier.”
D’après elle, cependant, les “réponses de court terme déclenchées en urgence ne peuvent suffire. La reconstitution régulière de campements démontre que le dispositif actuel n’est pas adapté aux besoins : il ne permet pas d’accueillir les personnes au fil de leurs arrivées et écarte les personnes dites dublinées.” La maire de la capitale propose d’ailleurs l’ouverture de 1 000 places d’hébergement supplémentaires dès cet hiver à travers “plusieurs sites municipaux”.
Le quotidien de ces quatre dernières années dans les quartiers concernés restera en tout cas difficile à tolérer dans la “sixième puissance mondiale”, avec le retour honteux des bidonvilles et de leur lot de misère dans l’une des villes les plus riches de la planète.
Chassés par la guerre ou la misère, d’autres “migrants” avaient eux aussi tenté leur chance en France dans le passé, comme les centaines de milliers d’Espagnols ou d’Arméniens accueillis à la suite de leurs traumatismes nationaux respectifs, guerre civile et génocide. Plus récemment, on peut évoquer le quasi-consensus national de 1979 pour accueillir 120 000 réfugiés cambodgiens et vietnamiens, événement si difficile à concevoir aujourd’hui.
Qu’ont fait les réfugiés d’aujourd’hui pour mériter un traitement si déchirant, celui d’une relégation derrière les barrières du périphérique ou dans les limbes administratives parfois sans fin de la politique migratoire européenne actuelle ? La France et sa capitale peuvent au moins s’épargner l’indignité d’un anachronique retour à des conditions de vie dignes du XIXème siècle, terreau du dénuement le plus complet, d’épidémies évitables et d’enfances mendiantes.
Crédit photo :
Campements sur le Boulevard Ney, aux environs de la Porte de la Chapelle, Paris – 2017
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