La poésie contemporaine fait vibrer la scène du théâtre national de La Colline jusqu’au 15 avril

Ateliers, rencontres, créations sonores, représentations : avec Poèmes !, une manifestation artistique conçue par l’auteur Julien Gaillard aux côtés de la jeune troupe du théâtre, La Colline partage de nombreuses propositions poétiques en résonance avec notre époque.

Plus de trois semaines de programmation, une douzaine d’ateliers ouverts gratuitement au public, sans oublier des invitations d’équipes artistiques sans cesse renouvelées : la nouvelle proposition du théâtre national de La Colline, à découvrir jusqu’au 15 avril, offre une rare mise en lumière de la création poétique contemporaine. « Que peut faire aujourd’hui le poème sur une scène de théâtre ? » : c’est la question que se sont posés l’auteur et comédien Julien Gaillard et les équipes de la scène basée au cœur du 20e arrondissement, avec pour objectif « d’habiter temporairement un théâtre en le transformant en un kaléidoscope de formes et d’instants ».

Prévues du mardi à samedi à partir de 19h30, les vingt représentations sont pour la plupart précédées entre 17h et 19h par des échanges en entrée libre (sur réservation). « Les ateliers, c’est une manière de se rencontrer. Dans un théâtre public, c’est très important. Je ne dis pas que le spectacle n’est pas important, mais il est un élément parmi d’autres de la proposition. Il y a de l’atelier, de la discussion, de la lecture, de la réflexion, et puis il y a un spectacle. Le spectacle n’est pas le tyran de l’ensemble de la proposition », estime ainsi Julien Gaillard, véritable chef d’orchestre de cette manifestation inédite. « C’est ce que j’ai éprouvé au théâtre national de Strasbourg durant la traversée de l’été juste après le confinement, où le théâtre était comme vide de spectacle, mais rempli d’ateliers d’écriture, de gens, de pratiques. J’ai trouvé ça formidable. »

« Tenter de ramener la poésie sur terre »

Avec Poèmes !, l’auteur cherche ainsi à « utiliser l’outil théâtre public un peu autrement, c’est-à-dire à le rendre plus poreux, et non pas simplement le réveiller quand il y a spectacle, et l’endormir entre deux représentations, le réserver aux professionnels ». L’accessibilité apparaît ainsi comme un maître mot de l’événement, loin de l’image parfois élitiste trop souvent accolée au genre poétique. En attestent les prologues qui ouvrent chacune des dates programmées, de courtes conférences constituant ensemble « une boîte à outils abordant les principaux aspects de la modernité poétique pour tenter de ramener la poésie sur terre » à travers des lectures commentées, des discussions, et des écoutes de textes enregistrés – la voix du poète Paul Celan faisant ainsi résonner la salle du Petit théâtre de La Colline en cette semaine d’ouverture.

La tarification a également été pensée pour encourager la participation du public et « permettre au spectateur de revenir à différentes représentations », en rendant ces rendez-vous accessibles au plus grand nombre : après avoir assisté à une première date, l’accès à chaque soirée supplémentaire sera ouverte pour 5 euros seulement (2 euros pour les adhérents de La Colline). Une occasion de redécouvrir la poésie comme « un art vivant », pleinement ancré dans notre époque et capable de développer des questionnements des plus contemporains. C’est notamment le cas de la proposition phare de la manifestation, le « poème scénique » Last Level 2.

Last Level 2, une expérience multisensorielle et immersive

Écrit et mis en scène par Julien Gaillard, ce spectacle aux accents cyberpunk fait de l’univers du jeu vidéo une métaphore de nos existences, abordant au passage des thématiques aux échos particulièrement actuels : l’aliénation sociale, l’exposition aux écrans et le paradoxal isolement qu’elle entraîne, l’accessibilité des représentations sexuelles, la normalisation de la violence… Expérience multisensorielle et immersive d’une heure environ unifiant poésie, théâtre, créations graphiques et sonores, Last Level 2 réunit sur scène les comédiennes et comédiens Ruben Badinter, Marceau Ebersolt, Alix Henzelin, Eléonore Lenne, Adèle Marini, et Enzo Monchauzou.

 

 

La performance est le fruit d’une « rencontre très récente » avec cette « seconde promotion de la jeune troupe du théâtre de la Colline, qui est rentrée au théâtre en février », explique Julien Gaillard. L’auteur apprécie particulièrement « le travail avec les comédiennes et les comédiens, les rapports en plateau. Je voulais vraiment l’écrire pour la troupe, ça me plaisait beaucoup que tout soit ‘in situ’. Et puis de ne pas forcément les connaître avant, de ne pas avoir à les sélectionner », avec cette idée directrice simple : « il y a une jeune troupe, et on va travailler ensemble ». Au-delà des thèmes évoqués, la jeunesse est d’ailleurs indissociable de la genèse de ce projet complété au fil des dix dernières années, qui a « maturé lentement » suite à une rencontre de l’auteur avec des élèves de troisième du quartier parisien de la Goutte d’Or, dans le cadre d’un atelier de théâtre.

La poésie, « seule forme littéraire qui peut tenter de tout dire en même temps »

Sur le fond comme sur la forme, Last Level illustre les nombreux possibles de la création poétique contemporaine. « On amène des éléments, on les articule ensemble, il y a des rencontres, il y a une densité aussi. Très souvent, le poème qui m’intéresse, c’est celui qui est dense, qui donne la sensation de tout dire en même temps », estime Julien Gaillard. « C’est la seule forme littéraire qui peut tenter de tout dire en même temps. Donc il y a une tentative, avec Last Level, de porter ça sur un plateau, avec de la densité, de la permanence, de la lumière, de l’écriture. »

Réécrit à l’automne dernier, le spectacle bénéficie de jeux de scénographie, de sons et de lumières à même de plonger le public dans cette réalité alternative, grâce au travail de Seb El Zin et Marjolaine Mansot. « Je voulais un spectacle assez nu, et j’ai vu qu’il y avait des dalles de LED pour le surtitrage. Cela m’a beaucoup intéressé car je voulais que le texte soit présent, en tant que texte, qu’il ne soit pas uniquement lu à voix haute, qu’il ait une distance comme texte. Quand j’ai vu ces dalles, je me suis dit que ça allait être un des éléments essentiels de l’espace, de la lumière aussi », poursuit Julien Gaillard, soucieux d’ancrer la performance dans notre modernité, de « rechercher ces choses auxquelles on est finalement très habitués« , comme ces « barres de progression » qui marquent visuellement les différentes étapes de la pièce.

« Voir un petit peu ce qui se cache dans les coulisses, dans les lieux techniques »

« Entre le prologue et le spectacle », l’auteur redevenu pour l’occasion metteur en scène s’efforce de « créer une tension entre des points dans le temps qui sont a priori très éloignés, mais qui en fait peuvent consonner, sonner ensemble ». La volonté d’ancrer l’art poétique dans le quotidien demeure ainsi centrale dans sa démarche, qui se fixe également pour objectif de partager les réalités des professionnelles et professionnels du théâtre. « C’est pour ça qu’on a très envie de faire des ateliers : on en fera en salle de réunion, en salle de répétitions », se réjouit Julien Gaillard. « J’aime bien que les gens puissent voir un petit peu ce qui se cache dans les coulisses, dans les lieux techniques aussi. Voir que c’est un outil, qu’il y a des techniciens et des techniciennes. C’est un certain sens du bien commun : nous sommes dans un théâtre public, et c’est important aussi de montrer cet aspect là, celui des gens au travail. »

Avec cet autre souhait de « travailler avec tout le monde au sein du théâtre », l’auteur a su tirer partie des compétences de l’ensemble des équipes de la Colline. Il cite pour exemple « l’imprimerie à domicile » permettant de distribuer gratuitement des brochures poétiques, « de faire circuler aussi de l’écrit ». Espérant aujourd’hui voir un « regain d’intérêt » pour la création poétique francophone, Julien Gaillard estime « qu’il faut aussi que des poèmes permettent ça. Ce n’est pas seulement la formation culturelle, l’intérêt ou le désintérêt des lecteurs et lectrices. Il faut aussi en face des poèmes qui puissent permettre de sortir de nos chapelles et de nos prés carrés ». Portée par ce désir d’une démocratisation du genre, la manifestation Poèmes ! reprend ainsi pour principe directeur une citation de l’auteur et comédien Georges Perros : « La poésie n’est pas obscure parce qu’on ne la comprend pas mais parce qu’on ne finit jamais de la comprendre. »

 

 

Poèmes !
Jusqu’au 15 avril 2023
Du mardi au samedi : 19h30 – Ateliers (entrée libre sur réservation) à partir de 17h
30€/25€/15€/10€ – Soirées supplémentaires : 5€/2€
www.colline.fr/spectacles/poemes

 

 

 

La Colline – Théâtre national
15 rue Malte Brun, 75020 Paris
www.colline.fr

 

 

Photographies © Tuong-Vi Nguyen – Théâtre national La Colline

 

Cet article est le fruit d’un partenariat presse avec le théâtre national de La Colline

 

 

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