Les occupants de l’hôtel meublé du 48 rue de Meaux (19e arrondissement), pour beaucoup âgés, redoutent d’être expulsés du fait de l’arrivée de nouveaux propriétaires. La ville de Paris a demandé une enquête relative aux conditions d’habitat indigne observées sur place.
“27 locataires, souvent âgés, voire très âgés et invalides, vivent dans cet hôtel meublé, parfois depuis 20 ans, payant un loyer mensuel de 400 à 600 euros, pour une chambre de moins de 10 mètres carrés, sans sanitaire. Une seule douche pour tous les locataires, des toilettes et des communs jamais nettoyés, sauf par les locataires” : l’association Droit au Logement, à l’origine d’une première mobilisation le 30 juin dernier, dresse un sombre tableau de la situation des occupants de l’immeuble surplombant l’angle de la halle Secrétan.
“Tenu par la même famille depuis les années 1920” selon Droit au Logement, ce “garni” faisait l’objet d’une tentative de rachat par la société immobilière Mondafim depuis la fin de l’année dernière. La trentaine de locataires de “l’hôtel du marché” s’était vu transmettre un préavis de trois mois leur enjoignant de quitter les lieux en juin. D’après l’association, après avoir bénéficié d’une “indemnité d’éviction pour son fond de commerce”, le “gérant” actuel se serait distingué en “menaçant d’expulser [les locataires] sans même une procédure, de leur couper l’eau et l’électricité”. Pour le collectif, “ils voulaient les jeter à la rue, comme des vieux meubles.”
Avec la mise en lumière de cette situation d’urgence pour ces personnes précaires, souvent âgées et même malades pour certaines, une délégation a été reçue le 28 juin à la mairie du 19e arrondissement. “Suite au passage d’un huissier le 30 juin dernier pour constater l’occupation de l’immeuble, l’acquéreur a décidé de se retirer du projet de transformation en hôtel touristique et a donc mis fin au processus d’achat”, précisent les services de la ville de Paris. Si le retrait de Mondafim semble à première vue synonyme de répit, il laisse planer de fortes incertitudes quant à l’avenir de l’immeuble et de ses occupants.
Sur place, les conditions de vie rappellent celles de la première moitié du XXe siècle – une époque où l’on pouvait trouver jusqu’à 20 000 hôtels meublés à travers la capitale, contre quelques centaines seulement aujourd’hui. “L’immeuble étant particulièrement dégradé et indigne, nous avons saisi le Service Technique de l’Habitat (STH) pour organiser au plus vite une enquête de salubrité et constater ainsi les désordres dans l’immeuble”, indique la municipalité.
La mobilisation organisée sur place par Droit au Logement a reçu de nombreux soutiens, notamment venus des rangs politiques. Ian Brossat, adjoint (PCF) au logement à la maire de Paris, François Dagnaud, maire (PS) du 19e, et Gwenaëlle Austin, adjointe (PCF) à ce dernier en charge de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion, se sont rendus sur place le 5 juillet, en parallèle de l’annonce de la saisie du STH. Le samedi suivant, le 9 juillet, une nouvelle manifestation a réuni les députées (NUPES-LFI) du 19e Sarah Legrain et Danièle Obono, ainsi que le conseiller d’arrondissement (PCF) Hadrien Bortot.
“On ne se débarrasse pas de ses locataires comme de Kleenex. La ville de Paris fera tout pour protéger les locataires du 48 rue de Meaux et placer le propriétaire face à ses responsabilités”, a promis Ian Brossat après sa visite. D’après nos informations, un rendez-vous est prévu cette semaine avec le propriétaire pour échanger “principalement sur trois éléments : l’état très dégradé de l’immeuble, le relogement des personnes, et le devenir de l’immeuble puisque la vente a été cassée”.
Au vu des conditions de mal-logement constatées sur place, des actions sont-elles envisagées afin de garantir dès à présent de meilleures conditions de vie aux locataires ? “Nous attendons le retour de l’enquête du STH pour organiser les prochaines étapes. Nous allons demander au propriétaire de ne procéder à aucune coupure d’eau et d’électricité, et nous ferons tout pour accélérer les relogements”, assure la municipalité.
Lors de la dernière mobilisation devant le 48 rue de Meaux, Droit au Logement a rappelé l’injustice que constitue la situation actuelle aux yeux des 29 locataires, pour beaucoup résidents de l’adresse depuis de nombreuses années. “Ils ont travaillé toute leur vie : nettoyage, cantine, secrétariat, ménage, BTP, vente de journaux, imprimerie… Ils ont fait des demandes HLM et souvent DALO. Ces petites mains indispensables à l’économie et à la société ont été abandonnées là, face au marché Secrétan flambant neuf, vecteur de la gentrification locale, de la flambée des loyers et de l’immobilier”, regrette l’association.
Un point de vue partagé par Hadrien Bortot, adjoint au maire du 19e, pour qui “celles et ceux qui habitent ici ont travaillé dur pour construire la richesse de notre ville, et aujourd’hui on les met dehors”. Fustigeant les “fonds vautours”, l’élu communiste, juge que “ce à quoi nous assistons ici, comme dans l’ensemble des quartiers populaires de notre ville, c’est un prolongement de la lutte des classes sur la question du logement et de l’activité. Ici, des forces sociales et économiques se servent de la ville pour engranger des profits records”. D’après lui, “les classes populaires, celles et ceux qui produisent, qui sont essentiels au quotidien, sont évincées, reléguées dans des lieux moins rentables”.
Photographie : 48 rue de Meaux, Paris 19e
© Paris Lights Up
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