Municipales 2020 : vous reprendrez bien un peu d’air pur ?

Tandis que les mouvements de contestation sociale accaparent l’attention nationale, un thème bien différent agite certaines permanences politiques parisiennes : les élections municipales de 2020, lors desquelles des candidats toujours plus nombreux tenteront de succéder à la socialiste Anne Hidalgo.

Après un début de mandat sans aucun doute polarisant, des “proches” de la maire de Paris viennent de révéler ce qui devrait constituer l’un des axes centraux de sa stratégie pour 2020 : prioriser une nouvelle fois la lutte contre la pollution et la cause environnementale, avec pour projet phare la piétonnisation d’une partie du centre de Paris.

Cette extension de la politique en faveur des modes de déplacement propres, incarnée par le combat de l’actuelle majorité pour rendre aux piétons la rive droite de la Seine, verra ainsi un très hidalguesque réseau de “navettes électriques autonomes” desservir les rues du Marais ou de l’Île de la Cité.

Malgré les doutes suscités par l’organisation à venir des Jeux Olympiques, il ne fait désormais guère de doute que la maire de Paris compte bien insister sur ce qui a jusqu’à présent fait la force et l’identité de son premier mandat, en renforçant la stature de la capitale comme une métropole pionnière de la lutte pour l’environnement.

Si l’insistance de l’édile à faire campagne en faveur des modes des déplacements verts peut a priori sembler clivante suite au barouf des berges de la Seine, ce choix est pourtant avant tout rationnel. Les Parisiens ont une expérience quotidienne des transports bien différente de celle de leurs compatriotes vivant au-delà du boulevard périphérique, et en dehors de l’Île-de-France en particulier.

En 2015, le taux d’équipement des ménages en automobiles atteignait 81,2% à l’échelle nationale, 66.5% en Île-de-France – mais seulement 36,1% à Paris. D’après l’Insee, seuls 12.3% des habitants de la capitale s’en remettent à leur véhicule pour se rendre au travail, contre 64.8% des Parisiens actifs utilisant en parallèle les transports en commun !

Pourtant, la moitié de l’espace public parisien est toujours dédiée aux voitures. En piétonnisant une partie de son centre historique – notamment les secteurs classés des berges de la Seine – Paris ne ferait que suivre l’exemple d’autres métropoles européennes ayant placé la qualité de vie, l’environnement et le développement touristique au cœur de leurs priorités.

Pour les visiteurs comme pour les résidents, il semble aujourd’hui bien désuet de fouler du bitume en longeant les quais faisant face aux tours de la Conciergerie. Une démarche en faveur des déplacements propres dans le centre de Paris ne signifierait d’ailleurs pas la disparition totale des vrombissements de moteurs : en sus des navettes électriques pré-citées, on peut se douter que bus, taxis, véhicules de secours, transports dédiés aux personnes à mobilité réduite, et enfin riverains pourront toujours accéder aux quartiers bénéficiaires des quatre premiers arrondissements.

Au-delà du projet en lui-même, une stratégie basée une nouvelle fois sur la thématique environnementale s’avère politiquement judicieuse pour la principale représentante de la gauche parisienne.

Elle devrait d’abord révulser – et rendre d’autant plus vocaux – les conservateurs de la capitale, prostrés dans un antagonisme permanent dès lors qu’il s’agit de défendre le vaillant automobiliste. Or une élection municipale à Paris n’est pas une élection régionale pour l’Île-de-France, et le rapport à la voiture des deux circonscriptions n’a que peu de points communs.

Si en l’absence de rapprochement avec le centre, la ou le représentant-e de LR venait à affronter la gauche au second tour, l’issue de l’élection devrait en toute logique nettement pencher en faveur d’Anne Hidalgo. Du fait de la composition du corps législatif parisien, cette dernière aurait de grandes chances de l’emporter face à une droite hargneuse mais peu représentative du positionnement des électeurs parisiens sur les politiques de l’environnement et du transport, et bloquée dans une opposition frontale ces dernières années.

Ces thématiques pourraient d’ailleurs contribuer à mettre à mal la formation d’une éventuelle coalition entre la droite et LREM.  Au-delà, le clivage suscité ne devrait pas manquer pas de causer un certain désordre dans le camp de la majorité présidentielle, qui a jusqu’à présent du mal à situer son curseur politique dans le paysage politique parisien.

Avec au moins cinq “candidats déclarés à la candidature” de LREM à Paris, il est probable que les effectifs centristes soient amenés à rappeler l’ampleur de leurs divisions – sans parler de leurs contradictions, en raison de leur proximité avec bon nombre de lignes directrices de la majorité parisienne actuelle.

La désignation du candidat n’a certes pas encore eu lieu, mais imagine-t-on un individu aussi sensé que Cédric Villani argumenter efficacement contre les mesures de la majorité pour l’environnement, en vue de ratisser au plus large pour un éventuel second tour ?

Défi d’autant plus complexe au vu de la contestation actuelle contre le gouvernement, certes moindre dans la capitale. Difficile de prédire ce que feront les presque 35% d’électeurs parisiens ayant voté pour Emmanuel Macron au premier tour de la dernière élection présidentielle, dans un contexte national très différent et face à des préoccupations beaucoup plus locales.

Enfin, en réponse aux autres formations de gauche que devraient représenter La France Insoumise et Les Verts, la maire de Paris continue de se positionner comme la figure incontournable de la gauche parisienne, garante de l’application pratique des valeurs progressistes dans la capitale.

Difficile à attaquer sur son bilan pour l’environnement et plus ouverte que le gouvernement sur la question des migrants et de la protection des minorités LGBTQ+, la maire de Paris évite d’attiser la contestation sur sa gauche en conservant le positionnement qui lui a permis de rassembler sa majorité actuelle.

Seule inconnue – et pas des moindres – la question des alliances. Les trois favoris pour le second tour pourraient y être sujets à des degrés divers, avec un parti présidentiel aujourd’hui piégé dans une position d’arbitre de plus en plus inconfortable.

L’échéance indécise de 2020 est encore loin, et de nombreux revirements ne manqueront pas de se produire. Les résultats des élections européennes de mai 2019 seront sans aucun doute riches d’enseignements sur les préférences des électeurs, avant que la primaire de désignation du candidat LREM ne vienne éclaircir un peu plus les incertitudes.

Une seule chose est d’ores et déjà certaine : après les échauffourées politiques qu’ont pu susciter une simple portion de quai, les Parisiens n’ont certainement pas fini d’entendre parler de “piétonnisation” !

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